10 septembre-L’ile aux fleurs et La belle verte

dans le cadre des « Rendez-vous Nature »

avec débat  en présence d’acteurs locaux d’ « utopies locales passées, présentes et à venir «

1/ le COURT

L’ ile aux fleurs de Jorge Furtado

12’00
Documentaire brésilien de 1989, 12’00

S’il n’y en avait qu’un, ce serait celui-ci… Culte !!

Douze minutes : c’est le temps durant lequel nous suivons le parcours d’une tomate, depuis sa production dans la plantation de M. Suzuki, jusqu’à son point d’arrivée, décharge publique de l’île aux fleurs.

Véritable pamphlet, ce classique du cinéma dénonce l’économie de marché qui entraîne 22% de brésiliens vers la pauvreté et la famine. L’île aux fleurs, dès 1989, démontrait également les rouages et effets pervers de la mondialisation et de la surconsommation. Jorge Furtado utilise un ton faussement didactique et systématise ses répétitions – on pense bien sûr à Mon oncle d’Amérique de Resnais – ce qui permet de créer un décalage salvateur car ni l’intelligence ni l’humour du film ne suffisent à faire oublier les images d’un épilogue qui laisse le spectateur sans voix : des femmes et des enfants de Porto Alegre admis à fouiller les détritus organiques d’une décharge, APRÈS le passage des cochons.

2/ LE FILM

La Belle Verte

 de Coline Serreau

 film sorti en 1996, comédie, avec  Coline Serreau, Vincent Lindon, Marion Cotillard…

Sur la planète Belle Verte, tout n’est qu’harmonie, luxe, calme et volupté. Les diverses tribus familiales consacrent leurs matinées aux jeux du corps et de l’esprit, leurs après-midi aux récoltes, leurs soirées aux concerts de silence. Mila est envoyée prendre des nouvelles de la Terre…

Mila, qui vient de la planète Verte, se dévoue pour aller sur Terre voir comment ces pauvres terriens ont évolué depuis le dernier voyage de ses congénères, il y a deux cent ans. Elle débarque à Paris de nos jours habillée avec un costume de l’époque, le croyant toujours d’actualité. Et bien sûr, elle va de surprises en surprises, effarée de voir des automobiles, des crottes de chien sur le trottoir, des billets de banque et autant de pollution. Ne pouvant se nourrir de ces choses affreuses qu’ils mangent, elle se réfugie dans un hôpital pour nouveaux-nés, seule manière pour elle de se recharger en serrant dans ses bras un nourrisson. C’est ainsi qu’elle se heurte au chef de service, Max, qu’elle s’empresse de « déconnecter » pour qu’il voit le monde sous un jour meilleur.

Et c’est aussi là qu’elle fait la connaissance de Macha, la jeune puéricultrice qui s’occupe d’un bébé bosniaque abandonné par sa mère. Elles décident ensemble, et avec l’accord de Max, de l’enlever pour qu’il échappe à la DDASS. Quand les deux fils de Mila-avec qui elle communique régulièrement par télépathie- apprennent qu’elle vit avec deux jolies filles -Macha et sa soeur Sonia- ils débarquent à leur tour sur terre…

Coline Serreau est cinéaste, scénariste, comédienne, mais aussi trapéziste et musicienne. Coline Serreau est aussi, sinon surtout, révoltée.

Le 18 septembre 1996, à 10 heures et quelques minutes, elle reçoit un coup de téléphone du distributeur de son film La Belle Verte qui vient tout juste de sortir en salles. Se basant sur le nombre d’entrées à la première séance au grand cinéma des Halles, il peut faire une estimation de ce que sera le succès du film et lui annoncer que La Belle Verte est déjà un film mort. Le jour même, les critiques tombent les unes après les autres : L’Express, Télérama, Aujourd’hui en France, Libération, etc. descendent le film.

Onze ans après le succès phénoménal de Trois hommes et un couffin, la réalisatrice connaît l’échec. (Un échec relatif, toutefois, puisque La Belle Verte fera tout de même un million d’entrées.) Fable écolo et corrosive, le film était-il trop subversif ou en avance sur son temps ? Il raconte le voyage sur la planète Terre d’une extraterrestre venue d’un monde qui a tourné depuis des siècles la page de l’ère industrielle. À ses yeux non habitués à la pollution, à l’individualisme, au capitalisme, et à la mesquinerie, la Terre est une planète d’arriéré·e·s. C’était une blessure narcissique pour les gens, d’entendre qu’on était sous-développé·e·s.

Pour la réalisatrice qui a travaillé plus de quatre ans sur ce long-métrage, la déception est de courte durée ; il s’agit de penser à la suite, de se relever de cette déconvenue et d’envisager un nouveau film.

Un échec est souvent plus riche d’enseignements qu’un succès. Le futur lui donnera raison. 23 ans plus tard, La Belle Verte est devenu un film culte. Visionné des millions de fois en streaming et en téléchargement (légal ou illégal), il est aujourd’hui reconnu comme le conte philosophique et écologiste que Coline Serreau a voulu montrer.

Au cœur des convictions de la réalisatrice, on trouve, évidemment, le respect de la nature, mais aussi le goût de la beauté, à commencer par celle de la musique. Coline Serreau est une immense admiratrice de Jean-Sébastien Bach, dont elle dit qu’il est l’homme avec lequel elle a passé le plus de temps dans sa vie. Toute sa vie et sa carrière durant, elle s’est également battue pour l’égalité entre les hommes et les femmes, y compris là où on ne s’y attend pas. Trois hommes et un couffin, c’est le début de la fin du patriarcat. À 71 ans, celle à qui l’on doit également le documentaire Solutions locales pour un désordre global explique qu’il faut mettre fin à une domination masculine qui prévoit que la femme est « au service » de sa famille.

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