Akira Kurosawa

Akira, le soleil et la lune, un enfant au caractère vif et emporté

Akira, qui s’écrit avec les idéogrammes du soleil et de la lune, naît le 23 mars 1910. Il est le dernier de 7 enfants. Son père, un militaire de l’ère Meiji qui a restauré le pouvoir de l’empereur. Akira hérite de son père l’ « esprit Meiji » qui tend à préserver les traditions du Japon tout en s’ouvrant au monde moderne. Son père a fait construire la première piscine du Japon et il est persuadé que le cinéma a une valeur éducative. Akira dira plus tard « Mon père, le sentimental ; ma mère, la réaliste ».

« L’image positive »

Il est tout d’abord très attaché à sa sœur la plus proche dans la lignée, mais celle-ci meurt à l’âge de 16 ans et il en est très affecté. A l’école, il se prend de passion pour le dessin puis la peinture, mais échoue à l’entrée aux Beaux-arts.

Akira doit beaucoup à l’un de ses frères qu’il vénère, Heigo, qui l’initie notamment à la littérature russe. Ils vivent ensemble dans un quartier miséreux. C’est là qu’Akira puise les personnages nécessiteux qui peuplent ses films. Un événement va décider de sa carrière : Heigo est engagé comme benshi professionnel (conteur de films muets) et cela va l’attirer tout naturellement vers le cinéma. Mais Heigo, farouchement opposé à l’arrivée du cinéma parlant, se suicide en 1933. Akira en demeurera très affecté sa vie durant et on peut sentir cette amertume dans plusieurs de ses films. Un ami dira plus tard à Akira « Tu es la copie conforme de ton frère, mais, autant lui était négatif, autant toi tu es positif », ce à quoi il répliqua « Je préfère penser mon frère comme le négatif d’une pellicule qui, au cours du développement, aurait fait de moi l’image positive ».

Les débuts

Après avoir, entre autres, diffusé des journaux prolétariens interdits, il se fait engager comme assistant réalisateur en 1935 par Kajiro YAMAMOTO qui devient alors son mentor. En 1938, il fait la connaissance d’un autre assistant Inoshiro HONDA, le futur réalisateur de « Godzilla », qui deviendra un ami proche et un collaborateur jusqu’à le prendre comme conseiller artistique sur ses derniers films.

La légende du grand judo

Il reste assistant pendant 8 ans avant de réaliser son premier film « La légende du grand judo » en 1943 qui évoque la naissance du judo en 1885 par opposition au jiu-jitsu. Déjà, il inaugure là la technique des grands combats dans lesquels le paysage joue un rôle prépondérant. On trouve également dans ce film un personnage qui suit un groupe dans l’espoir de pouvoir s’y intégrer, ce qu’on retrouvera plus tard dans « Les 7 samouraïs », « La forteresse cachée » ou « Dersou Ouzala ». En 1945, les Américains, craignant l’exhortation des héros nationalistes, interdisent toute représentation de l’ère féodale.

Le couple réalisateur / acteur

Toshiro Mifune dans Barberousse

Après cinq films dont une suite à son premier et un film de propagande, A. Kurosawa connaît un second succès avec « L’ange ivre » mettant en scène un yakusa tuberculeux soigné par un médecin alcoolique. Ce film lance véritablement la carrière d’un acteur, Toshiro MIFUNE. Kurosawa dira de lui : « Pour traduire une impression, un acteur japonais nécessitait 3 m de pellicule, pour Mifune, un seul suffisait. Il lançait tout d’une manière très directe et expéditive. Je n’ai jamais vu, chez un acteur  japonais, un tel sens du tempo. Il faisait des choses qui allaient plus loin que ce que j’avais imaginé. Si je dis une chose, il en comprend dix. Il réagit avec une rapidité extraordinaire aux intentions du metteur en scène. »

Ceci justifie la complicité des deux hommes qui les amènera à travailler ensemble sur seize films.

Toshiro MIFUNE est à KUROSAWA ce que John WAYNE est à John FORD.

Takashi Shimura dans « Vivre »

Un autre acteur, peut-être moins connu, accompagnera également Kurosawa sur plus de vingt films, Takashi SHIMURA. Il jouera plutôt les seconds rôles mais se montrera particulièrement émouvant dans « Vivre » (Ikiru) en 1952 où il tient le rôle d’un vieux fonctionnaire atteint d’un cancer et, qui pour donner un sens à sa vie, veut réaliser un square pour enfants. Ce film obtient l’ours d’argent à Berlin en 1953.

Les premières récompenses

La censure est abolie en 1949, ce qui marque le départ d’un âge d’or pour le cinéma japonais jusqu’aux années 60.

« Rashomon »

En 1950, « Rashomon » décroche le Lion d’or à Venise en 51 et l’Oscar du meilleur film étranger en 52. Il conte la relation par divers témoins d’un viol au moyen d’une série de flash-back. Kurosawa y fait preuve d’une très grande maîtrise technique par les mouvements de caméra, les jeux d’ombre et de lumière sur les corps et les visages à travers le feuillage, la blancheur translucide de la femme sous le voile qui la masque et la construction narrative. Le vrai sujet du film porte sur les relations entre hommes et femmes. « La faiblesse des hommes les force à mentir ». Il fait dire à un passant « Les mensonges, ça m’est égal du moment que l’histoire est passionnante ». l’affrontement qui termine de nombreux films de Kurosawa est, ici, particulièrement physique.

L’inspiration des classiques

Kurosawa transpose dans le Japon de l’après-guerre, « L’idiot » de Dostoïevski, utilisant les deux mêmes acteurs que dans « Rashomon » pour incarner les deux soldats démobilisés. La mémoire du frère suicidé est sous-jacente. Après « L’idiot », il adapte également plusieurs thèmes occidentaux et transpose la tragédie de Macbeth dans « Le château de l’araignée », puis « Les bas-fonds » d’après Gorki et revient plus tard vers Shakespeare pour « Ran » d’après « Le roi Lear ». Entre temps, il a puisé notamment dans les romans de Shuguro Yamamoto pour « Barberousse » ou « Dodes’ Kaden »

La consécration

« Les sept samouraïs »

En 1954, « Les sept samouraïs », premier des cinq films sur la période des « provinces de guerre » qui s’étend sur tout le XVIème siècle obtient le Lion d’argent à Venise en 1955. L’idée du recrutement d’un groupe de guerriers selon leurs compétences sera reprise par Howard HAWKS dans « Rio Bravo » et, bien sûr, par John STURGES dans « les 7 mercenaires ». Pour ce film, une grande innovation, Kurosawa tourne avec 3 caméras en simultané. L’utilisation de plusieurs caméras permet notamment un jeu plus réaliste jusque dans les dialogues puisque l’acteur ne se tourne plus instinctivement vers la caméra. Il sublime son sens de l’accélération, la course des paysans dans le village devient un véritable ballet.

Il obtient son plus gros succès public au Japon avec « Le château de l’araignée » en 1958.

Un film de samouraïs, « Yojimbo » (Le garde du corps), sorti en 1961, inspire Sergio LEONE dans « Pour une poignée de dollars » en 1964.

« Entre le ciel et l’enfer »

« Entre le ciel et l’enfer », en 1963, est inspiré d’une nouvelle d’Ed Mc Bain « King’s ransom » sur la quête d’un homme et de son double. L’action se déroule successivement dans deux lieux distincts, l’un fermé où Kurosawa adopte une mise en scène fluide jouant sur la latéralité et la profondeur, l’autre, très ouvert, où la mise en scène est volontairement plus heurtée. Dans ce film en noir et blanc, une seule touche de couleur, la fumée rose qui trahit les ravisseurs. C’est l’un des films cultes de Martin SCORCESE.

Passage à vide

Contacté en 1969 par la Fox, il écrit l’histoire avec ses scénaristes de « Tora ! Tora ! Tora ! » pour Richard FLEICHER. Mais, exigeant le montage final, il est démis du tournage.

« Dersou Ouzala »

Après le tournage de « Dodes’Kaden » en 1970, on considère le cinéaste comme plus ou moins fini. En décembre 1971, il fait une tentative de suicide.

En 1975, alors que son maître Yamamoto vient de mourir, il part en Russie tourner une production soviétique « Dersou Ouzala » qui décroche le Grand Prix du Festival de Moscou, puis l’Oscar du meilleur film étranger.

Le soutien de l’industrie cinématographique américaine, les derniers films

Après ces succès controversés, c’est grâce à George LUCAS, Francis Ford COPPOLA et la Fox qu’il peut tourner « Kagemusha » qui remporte la Palme d’Or du Festival de Cannes en 1980. C’est la vingt-deuxième et dernière apparition de Takashi SHIMURA dans les films de Kurosawa, peu avant sa mort en 1982.

« Ran »

En 1982, Serge SILBERMAN produit « Ran », le film le plus cher réalisé par Kurosawa (11M$), une grande épopée distillant une émotion visuelle rarement égalée où le jaune éclatant du soleil et la verdure vivace du paysage sont asphyxiés par le sombre tumulte des nuages et les noires fumées de la tragédie.

Enfin, en 1990, Stephen SPIELBERG rend possible « Rêves » avec le soutien de la Warner.

Akira Kurosawa meurt le 6 septembre 1998.

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