Le choix du programme est confié aux adhérents parmi trois films avec Jean Rochefort qui nous a quittés cette année 2017 : Un éléphant ça trompe énormément, Le mari de la coiffeuse ou L’homme du train.
Ils ont préféré à près de 60 % :
L’HOMME DU TRAIN
de Patrice Leconte (2002), une occasion de rendre hommage à la fois à Jean Rochefort et à Johnny Haliday qui viennent de disparaitre tous les deux en fin d’année dernière.
Date de sortie : 2 octobre 2002
Durée : 1h 30min
Réalisaeur : Patrice Leconte
Avec : Johnny Hallyday, Jean Rochefort, Charlie Nelson
Genres : Drame, Thriller
Nationalités : japonaise, allemande, française, britannique
Synopsis : Une ville moyenne. Une gare. Fin de journée. Un autorail qui s’arrête : un homme en descend. Un type tout seul, et qui n’est jamais venu ici auparavant. Il s’appelle Milan, grande carcasse désenchantée, un sac de voyage au bout du bras, aussi usé que son propriétaire.
Une pharmacie sur le point de fermer. A la recherche d’aspirine effervescente, Milan y rencontre Manesquier, ancien prof de français, plus âgé que lui. La croix verte du néon s’éteint. Les deux hommes se retrouvent dans la rue déjà deserte, marchant dans la même direction.
Alors que tout les oppose, en tout cas que tout les distingue, ils vont sympathiser, avec prudence, et pour une raison très simple : confusément, chacun d’eux aurait voulu avoir la vie de l’autre. Le prof se rêvait aventurier, l’aventurier s’envisageait pantouflard.
Dans trois jours, Milan doit braquer la banque locale. C’est pour cela qu’il est là. Dans trois jours, Manesquier doit subir un triple pontage cardiaque. C’est pour cela qu’il a la trouille. Trois jours pour faire connaissance. Trois jours pour se donner l’impression illusoire qu’une autre vie aurait été possible. Trois jours avant le grand saut. Imaginez une seconde que tout cela tourne mal..
« Le film idéal pour une double oraison funèbre. Soit la réunion incongrue de deux monstres sacrés, un braqueur fatigué en quête d’un dernier coup (Johnny) débarquant dans le patelin de l’autre (Rochefort), prof de français à la retraite encroûté dans son train-train de vieux garçon vermoulu.
« L’Homme du train » n’est pas un polar majeur, mais il se repaît sans mal du solide face-à-face de ses deux stars. Le réalisateur de « Tandem » s’en tient à regarder ses deux acteurs s’observer, se renifler, flairant là leurs antagonismes, débusquant ici l’appel d’un échange de destin – qui commence par un enfilage de blouson à franges pour Rochefort et se termine par un essayage de charentaises pour Johnny. C’est dans ces moments tout simples, à la frontière d’un burlesque relâché et tranquille, que le film donne sa pleine mesure.
Non seulement Leconte parvient à faire transpirer l’authentique osmose du duo, mais il réussit à prolonger la fascination que l’un exerce sur l’autre. A ce petit jeu, Johnny, grâce à son mutisme de vieux matou et sa tronche burinée de mini-Charles Bronson, l’emporte d’une courte tête sur l’abattage un poil plus convenu de son partenaire à moustache. » (Guillaume Loison, l’Obs)
« Nous avons tous voulu, à un moment ou un autre, vivre une vie totalement différente de celle qu’on a, explique Patrice Leconte. Bien sûr, c’est impossible car il est toujours trop tard. Sauf au cinéma où l’impossible devient enfin possible. L’homme du train est une comédie étrange et décalée. Un film court et compact qui va à l’essentiel. »
»Patrice Leconte est plutôt fort en tandem. A chaque fois qu’il le pratique, l’exercice muscle son cinéma. Oublions donc ses embardées dans le roman-photo bas de gamme. Cette fois, il offre un simple messieurs épatant, tout en piques verbales et transmissions de pensées rieuses. Johnny et Jeannot sont sur un bateau, et aucun ne tombe à l’eau.
Gentlemen sûrs de leurs charmes respectifs, les deux acteurs ne s’affrontent pas, mais s’épaulent, cuir contre pied-de-poule. Indéniablement, le courant passe entre eux, et leur complicité suffit à donner de la tenue à ce qui aurait pu n’être qu’un long sketch poussif. Johnny est Milan, un loubard aux doigts d’E.T. qui débarque dans une ville de province à l’heure où la croix de la pharmacie s’éteint. Devant la vitrine du magasin Au rouet, il rencontre un vieux garçon qui tue le temps et le froid, les poings dans les poches. C’est Jean Rochefort, alias Manesquier, professeur de français à la retraite. Entre les deux, ça marche au petit poil.
A condition de descendre à l’avant-dernière station, pour cause de bifurcation des dix dernières minutes vers le cliché désastreux, le voyage en leur compagnie vaut le coup. Confortable, et démodé comme les pantoufles de Rochefort que Johnny essaie avec un plaisir coupable, L’Homme du train est un film-charentaises dans lequel on traîne volontiers. » (Marine Landrot, Télérama)
Le 8 décembre 2017, Patrice Leconte évoquait pour Paris-Match sa relation avec Johnny Haliday et racontait le tournage de ce film :
«Pour être très franc, tourner avec Johnny n’était pas une de mes idées. Mais la sienne. Jusqu’à « L’homme du train », même dans mes rêves les plus fous, je n’aurai osé lui proposer un rôle. Nous nous sommes rencontrés un soir, lors d’une cérémonie des César où il remettait un prix à Jean-Luc Godard. Nous nous sommes retrouvés dans les coulisses, Johnny est venu vers moi. il m’a tendu la main pour se présenter comme si je ne savais pas qui il était (il rit). Cela prouve combien il était d’une modestie incroyable. Nous avons parlé de cinéma, il m’a dit qu’il aimait bien mes films. Puis il m’a mis la main sur l’épaule et m’a dit : « un jour, j’aimerais bien être filmé par toi ». Cette phrase était magique. Ce n’était pas « tiens, il faudrait qu’on travaille ensemble ». Il y a avait quelque chose très intime et très chaleureux.
Cette phrase est évidemment restée dans un coin de ma tête, ce désir, cette envie me touchait beaucoup et elle fait son chemin. J’ai longuement réfléchi à ce que pourrait inventer pour Johnny Halliday. Mais je n’arrivais à rien. Puis un matin est arrivée cette idée, moi qui adore provoquer des rencontres : Johnny Halliday, Jean Rochefort, une petite ville de province, un type arrive et entre dans une pharmacie… J’ai alors travaillé avec Claude Klotz sur le scénario.
Johnny a été très intimidé à l’idée de jouer face à Jean Rochefort, il voulait vraiment être à la hauteur. Ce qui est amusant, c’est que Rochefort ressentait la même chose. « Mais comment on joue avec un rocker? » m’a t-il demandé. J’ai du les rassurer tous les deux. Et puisque j’ai tourné « L’homme du train » dans l’ordre chronologique des scènes, dans un décor quasi-unique, les deux ont eu le temps de s’observer et de s’apprivoiser, comme leurs personnages dans le film.
Johnny ne voulait vraiment pas se rater sur ce projet et il a été exemplaire. Il n’a pas bu une goutte d’alcool, était à l’heure le matin sur le plateau, connaissant son texte à la perfection. Ce n’est pas pour lui tresser une couronne de fleurs maintenant qu’il est parti mais Johnny m’a impressionné . C’était un bonheur de chaque jour de travailler avec lui. J’ai été littéralement cueilli par sa présence à l’image. Lors d’une des premières scènes du film, lorsqu’il entre dans la pharmacie de Jean Rochefort, il a cette façon géniale de regarder Rochefort en lui disant seulement, de sa voix unique : « Aspirine… ». Il imposait quelque chose d’inexplicable mais de magnifique. Il y avait chez lui cette modestie, cette timidité mais il me faisait confiance, aveuglément. Il n’était pas tatillon ou pointilleux pour un sou. Il faisait confiance, tout simplement. »
Johnny Haliday a obtenu le prix Jean Gabin pour son rôle dans L’Homme du train ainsi que le Prix du public à la Mostra de Venise