11 septembre – Extérieur rue – Mur murs

Deux documentaires dans le cadre des Arts Vagabonds :

Extérieur rue

de Danielle Noyon

date de sortie : 1997 (27 mn)

1996 : comme ailleurs en France, en Italie ou au Chili depuis 1966, Ernest Pignon-Ernest occupe aujourd’hui les murs de Lyon par sérigraphies interposées.
La nuit, les parois de verre des cabines téléphoniques de la ville se couvrent de ces longs personnages grandeur nature, en noir et blanc, au dessin minutieux et au destin éphémère, bientôt délavés et décollés par la pluie et le vent, présences énigmatiques que les passants découvrent dès l’aube, au détour d’une rue.
Refus du beau matériau, refus de la couleur, refus de l’œuvre ; du papier journal, de l’encre, de la sérigraphie et de la colle, c’est ce nouveau travail d’Ernest Pignon-Ernest qui est mis ici en images. Suivant la démarche de création de l’artiste dans sa durée, sur le terrain, en atelier ou à travers des photos d’archives, Extérieur rue met en évidence l’ensemble des éléments qui nourrissent et sous-tendent la démarche d’Ernest Pignon-Ernest alliant rigueur et spontanéité.

Initiateur de l’art urbain, Ernest Pignon-Ernest colle ses sérigraphies au détour des rues en France et à l’étranger. Dans Extérieur rue la réalisatrice nous fait découvrir le travail qu’il a réalisé à Lyon en couvrant les parois des cabines téléphoniques de longs personnages grandeur nature dessinés en noir et blanc. Ernest Pignon-Ernest cherche à troubler le quotidien par l’apparition soudaine de la fiction et de l’art au détour d’une rue. Ces œuvres éphémères sont ensuite effacées et décollées par la pluie et le vent.

Depuis 1971, Ernest Pignon-Ernest réalise des sérigraphies qu’il colle sur les murs des villes. « Évocation réaliste ou sociale, événement historique ou simple quête poétique, c’est par le lieu où elles sont placées que ces images prennent tout leur sens. » Afin de perturber un fragment de réalité par l’inscription d’une fiction, l’artiste travaille l’ambiguïté du dessin, réaliste et en noir et blanc, dont la force doit jouer avec ce qui l’entoure. Quand, à Naples, il cite Le Caravage ou Ribera, un dialogue s’instaure avec l’histoire de l’art et la mémoire du lieu. Ici, sur les parois des cabines téléphoniques, les cris arrêtés et silencieux des personnages soulignent la violence de ces lieux où chacun est isolé, en communication et en vitrine, tout en les saisissant comme « ready made » plastique et théâtral.

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Mur murs

d’Agnès Varda

date de sortie : 11 juin 1980 (1h20)

 

A Los Angeles, les murs ont la parole. D’innombrables fresques murales, peintes souvent par des artistes anonymes, recouvrent les murs gris et lépreux de couleurs flamboyantes. La réalisatrice a enquêté durant plus de quatre mois sur cette forme détonnante d’art brut. Scènes d’apocalypse guerrière, imitations de toiles classiques, thèmes religieux, héros de cinéma – aux abords des grands studios hollywoodiens – ou de bandes dessinées, mais aussi revendications des minorités portoricaines, noires, féministes, mexicaines : les sujets sont variés. Les formats aussi : les peintres ont parfois investi tout une façade d’immeuble, d’autres se sont contentés de la devanture d’un magasin. Chacun à leur manière et selon leurs moyens, les artistes démontrent que l’art ne se trouve pas uniquement dans les musées…

Tourné à Los Angeles, ville chère à la réalisatrice, Mur, murs sublime le travail de     grands noms du street-art américain dont Arno Jordan, Cat Felix ou Kent Twitchell.

 

« Mural, ça veut dire j’existe et je laisse un signe qui me désigne » : Mur murs est le regard d’une étrangère qui, la première, s’arrête devant les œuvres éphémères qui sont partour sur les murs de la ville, et donne leur existence non seulement aux artistes (pour certains, ils ne sont pas des anonymes), mais à la foule dont ils expriment les peurs, les fantasmes ou les bonheurs… tout fait signe pour Varda, qui a érigé l’art de la promenade en art poétique. Mais c’est l’envers du décor qui intéresse Varda et sa « visiteuse » de Mur murs (mutique et quasi invisible, Juliet Berto n’est manifestement pas là pour jour la comédie…) : non la « ville du cinéma » mais la ville des déclassés, de la racaille – latina ou autre. Les murals, avant les patates en forme de cœur des Glaneurs et la glaneuse, sont le prétexte visuel pour entendre enfin, en paroles et en chansons, la voix de ces habitants oubliés de Los Angeles (comment les appelle-t-on d’ailleurs ?). Mur murs, « cantique de la racaille », est un film assourdissant des multiples voix oubliées qui habitent cet autre versant de Los Angeles, le versant où les gens ne sont pas connus, l’envers de Hollywood.

Mur, murs a remporté le 1er Prix au Festival dei Populi, puis a été sélectionné au Festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard.

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