Ciné-Get Revel
Dimanche 10 février – 20h.30
(dans le cadre des 30 ans
du Ciné-Get et de la salle Claude Chabrol )
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1/ le court :
le Court-surprise ne sera plus une surprise, comme nous l’annoncions jusqu’ici !
nous vous proposons un court, extrait d’un film de 1965 Paris vu par …(des courts de plusieurs réalisateurs); nous avons l’honneur de recevoir Cécile Maistre-Chabrol, fille de Claude Chabrol , qui , fait l’honneur aux Z’allucinés de présenter le court; elle vient à Revel pour présenter lundi 12 février à 20h.30 au Ciné-Get « L’enfer » , elle a été collaboratrice de son père sur ce film….
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La Muette
de Claude Chabrol
(avec Stephane Audran , Claude Chabrol, …)
Film de 1965, 15 mns
Ce sketch de Paris vu par est l’unique occasion de voir Claude Chabrol et Stéphane Audran jouer ensemble, couple à la ville et couple sur l’écran, ils sont des bourgeois du quartier de La Muette dans le XVIeme arrondissement, logique que Claude Chabrol filme la bourgeoisie parisienne. Il élabore les éléments qui permettent de reconnaître immédiatement la bourgeoisie dans son film. D’abord le gamin qui revient de l’école, il est seul, mais ce n’est pas ça qui est important, sa tenue l’est, costume, cravate, ce qui pour un collégien signale sa classe sociale.
Quelques secondes à peine dans la rue et direct dans le vaste appartement de la famille. Ascenseur privé (là aussi ça claque) dont la porte est ouverte par la petite bonne avec un air insolent. Une fois l’adolescent dans sa chambre, la bonne monte à l’étage au bureau du père, il en profite pour batifoler avec elle, immanquablement dérangés par le jeune homme. Quant à la mère, elle parle au téléphone de choses et d’autres, elle fait à peine attention quand son fils rentre, poursuit sa conversation en parlant très fort.
Il faut prendre le titre du court-métrage de Claude Chabrol avec ironie. La Muette prend deux inversions de valeur, la première est de constater combien le couple sont des bavards avec ces repas où les bouches sont filmés en gros plans en train d’avaler des spaghettis. Stéphane Audran et Claude Chabrol ont des discussions sur des sujets sérieux (ici la peine de mort) mais avec des commentaires de café du commerce. En substance, cette bourgeoisie est stupide et vulgaire, incapable de réellement penser. Le couple improvisait leurs répliques.
Le film suit le parcours du gamin, lui parle peu, observe ses parents et leur absence d’affection. Il ne supporte plus de les entendre alors il va devenir sourd en utilisant des boules Quies. Il se sent bien mieux mais Claude Chabrol instaure alors le drame final. Après une nouvelle dispute des parents, la mère tombe dans l’escalier. Elle a beau appeler au secours, personne ne répond (la bonne est partie), son fils ne l’entend pas. C’est ce qui s’appelle, toujours pour prolonger l’ironie cruelle du récit, un film à chute et à chut !
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2/le film
(Hommage à Emmanuelle Beart)
8 Femmes
de François Ozon
Réalisation et scénario de François Ozon, 1h43, 2002
Genre : comédie (presque) musicale, policier
Avec Fanny Ardant, Emmanuelle Béart, Danielle Darrieux, Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Virginie Ledoyen, Firmine Richard, Ludivine Sagnier
Epoustouflante prestation d’un casting de rêve
Années 50. Une veille de Noël. Une demeure sous la neige. Un cadavre fraîchement poignardé. Huit femmes. Horreur ! Terreur ! Les fils du téléphone sont coupés. Impossible de prévenir la police.
Mais qui a bien pu tuer Marcel, le maître de maison ? Qu’elle est bonne la question ! Qu’elle est époustouflante la prestation du casting de rêve superbement réuni par François Ozon dans un huis clos à la Agatha Christie ! Ours d’Argent à Berlin, en 2002, décerné à l’ensemble de la distribution pour sa « contribution artistique exceptionnelle ».
Fausse réserve des unes, fausse désinvolture des autres, et tombent les masques. Quelle jubilation de voir Isabelle Huppert jouer, avec outrance, une vieille fille frustrée à lunettes. Ou Fanny Ardant et son interminable fume-cigarette, retirer langoureusement ses gants longs. Clin d’œil à Rita Hayworth dans Gilda ? Ou Catherine Deneuve, de léopard vêtue, vénale à souhait. Ou Emmanuelle Béart, la nouvelle servante de Madame, baisser les yeux avec insolence, et dont les bottines ne sont pas sans rappeler celles d’une autre femme de chambre, signée Buñuel celle-là. Quelle jubilation aussi de retrouver une légende du cinéma français, Danielle Darrieux, en grand-mère sympathique et douce, en apparence seulement.
L’intrigue ?
Elle n’est que prétexte. Ozon est parti d’une pièce de boulevard qu’il a complètement remaniée. En quelques mots : la veille de Noël, en pleine campagne, dans une propriété ensevelie sous la neige, se retrouve une poignée de jolies personnes aux bonnes manières. Il y a la fille ainée de la maison (Virgine Ledoyen), sa sœur cadette (Ludivine Sagnier), leur grand-mère (Danielle Darieux), leur tante (Fanny Ardant), la nouvelle soubrette (Emmanuelle Béart), la gouvernante (Firmine Richard) et Madame (Catherine Deneuve).
Passé les effusions d’usage, on s’étonne que le chef de famille ne se soit pas encore montré. Il en est bien incapable, le pauvre, vu qu’il gît dans son lit, un poignard dans le dos. Ce qu’elles ne savent pas encore. Ce que découvre l’une de ses filles. Son cri d’effroi va sérieusement refroidir l’atmosphère et chambouler les relations jusque-là courtoises.
Qui a tué Marcel ?
Les langues (de vipère) de se délier, de révéler des secrets de famille inavouables. Ozon n’y va pas de main morte : crapuleries, extorsions, homosexualité, meurtre, inceste, sadomasochisme … Une véritable débauche de croche-pieds et de règlements de compte en tout genre.
Et il y ajoute des couleurs. Rouge pour Ardant, brun pour Huppert, mauve pour Darrieux, blanc pour Béart, jaune pour Richard … Pour souligner le burlesque de la situation, il interrompt le fil de l’histoire par de petits intermèdes genre comédie musicale. Des ritournelles bien connues que le public a vite envie de fredonner. C’est Ludivine Sagnier qui ouvre le bal en interprétant Papa, t’es plus dans l’coup, avec Catherine Deneuve et Virginie Ledoyen. Puis c’est au tour d’Isabelle Huppert, tragique soudain, entre deux répliques assassines, d’entonner le Message personnel … Des dialogues incongrus, des scènes savoureuses parsemées de références cinématographiques, notamment le grand escalier de la maison qui fait penser à celui de Hitchcock dans Soupçons.
Drôle, unique, inénarrable et touchant parfois, 8 femmes est un pur plaisir, un monument à plusieurs lectures, bref, que du bonheur.
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