LA DERNIERE MARCHE
de Tim Robbins (1996)
Matthew Poncelet (Sean Penn), condamné à mort pour l’assassinat horrible d’un jeune couple, attend depuis six ans son exécution. Il écrit un jour à sœur Helen Prejean (Susan Sarandon). Elle accepte de le rencontrer et de devenir sa conseillère spirituelle lorsque la date fatidique est fixée. Parallèlement, elle tente, avec l’aide d’un vieil avocat, Hilton Barber (Robert Prosky), d’obtenir la commutation de la peine capitale en prison à vie.
A priori, tout les sépare. Sœur Helen est une femme dévouée, qui aide les pauvres gens des faubourgs d’une ville de Louisiane. Matthew, un pauvre type accusé de meurtre et qui croupit dans le « couloir de la mort » en attendant son exécution. Pourtant, la bonne sœur accepte un jour d’écrire une lettre au mauvais garçon. Qui lui répond. Le condamné se dit non coupable et mal défendu : il voit d’abord là une chance de recours. C’est humain. Sœur Helen, de son côté, scrupuleuse et influençable, hésite à le rencontrer. Là encore, c’est humain. C’est cela qui frappe immédiatement dans le film de Tim Robbins, son second derrière la caméra : la profonde humanité des personnages.
Par le biais de cette tragique expérience, sans doute totalement vécue, puisque le film est tiré de l’ouvrage de la réelle sœur Helen Prejean, Tim Robbins expose, avec une intelligence rare, une sensibilité exacerbée, ce qui constitue le drame perpétuel de l’humanité : le développement de la haine, celle des autres, de ceux que l’on catalogue comme responsables de notre mal-être, mais aussi et surtout celle de soi-même, qui conditionne et enfante la première. Cette haine qui n’est que la simple absence d’amour pour la vie.
Poncelet est avant tout un individu fruste, désaxé, gorgé de violence et de haine. Pour lui, les Noirs ont pris La place qui lui revenait. Sœur Helen, elle, prône La Paix, on lui répond avec haine ; elle parle de Jésus, pour elle l’exemple même de La réconciliation et de l’amour, on ressort La loi du Talion, inévitable dans de telles circonstances. Malgré les conseils de son entourage (une famille aisée, ses collègues des associations, ses « supérieurs »), elle répond favorablement à cet appel. Elle pousse Matthew vers la Paix.
C’est cette Paix qu’elle va vouloir faire retrouver dans le plan final au père d’une des victimes, qui s’est lui aussi engouffré dans La haine après le drame.
Une marche qui semble être tout aussi insurmontable que la précédente.
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Le court
Manque de preuves
de Hayoun Kwon
Synopsis : Chez les Nigériens, ‘être jumeaux’ peut signifier une bénédiction ou une malédiction. Un jour, le père d’Oscar a tenté, lors d’une fête, de tuer ses deux fils : Oscar a réussi à s’échapper, mais a assisté au meurtre de son frère. Après s’être enfui et avoir traversé son pays, il a réussi, par chance, à sortir du Nigéria et à s’exiler en France. Il a demandé l’Asile dans ce contexte, mais sa demande a été refusée, car il ne pouvait pas fournir de preuve.
L’avis du programmateur : S’appuyant sur un témoignage véridique, Manque de preuves ne se contente pas simplement d’illustrer une histoire, mais tente une reconstitution à partir de la part fictive inhérente à tout témoignage. Le récit d’un vécu, en l’absence de preuve matérielle, se doit de constituer la preuve elle-même, en fonction de sa crédibilité. Pour donner corps aux évènements de la manière la plus objective possible, Hayoun Kwon, avec son regard de plasticienne, propose de n’en montrer que le théâtre, un village africain reconstitué numériquement et vidé de ses acteurs. Nous progressons au rythme de la description des faits, libre aux spectateurs de se les représenter. Plus le récit avance, plus le dispositif se révèle lui-même pour littéralement devenir transparent et nous guider jusqu’à cette silhouette aperçue au bout du chemin, sombre et floue, qu’on devine être la victime. Un film qui prend des allures de refuge pour l’exilé qui n’a pour se battre que le poids des mots.