Le Code Hays (1934-1968)

Dans le cinéma des premiers temps, aux USA, la puissance des studios ne peut rien contre les retraits institués par les puritains. Le premier retrait d’un film d’une salle a lieu en 1907. En 1915, il existe environ 300 commissions de censures aux USA. Un film peut être autorisé dans un état du nord mais censuré dans le sud et en Californie pour d’autres raisons. Le risque financier est important : la production s’organise.

Au début des années 20, plusieurs scandales secouent l’industrie cinématographique américaine (meurtres, décès par overdose…). Ceci conduit celle-ci, en 1922, à créer son propre organisme de censure sous le nom de Motion Picture Producers and Distributors of America (MPPDA, organisation des producteurs et distributeurs américains), dirigé par l’avocat William Hays (1879-1954) secondé par un fervent catholique nommé Joseph Ignatius Breen. Mais les réalisateurs refusent de rentrer dans le droit chemin et tournent nombre de fantaisies chargées de passion païenne. Ces films sont qualifiés de « pré-Code » et Night-nurse en est un exemple emblématique.

Night-nurse, 1931 (L’ange blanc)

Etabli en 1930, le « Code Hays », ou Motion Picture Production Code, ne sera véritablement mis en application qu’à partir de 1934. C’est un code d’autocensure mais il ne faut pas voir là un brusque accès de puritanisme. En fait, les professionnels du cinéma craignaient que leurs films n’obtiennent pas l’autorisation de diffusion ou soient boudés par le public. A la messe du dimanche, sous l’impulsion de la légion de décence catholique, une carte est signée et il faut jurer après le sermon de ne pas aller voir les films concernés. C’est donc purement pour des raisons de rentabilité que tous les studios sans exception ont respecté ces règles avec toutefois quelques contournements (principalement par les studios de la Warner) jusqu’à la fin des années 1960, date à laquelle elles seront remplacées par le système de classement du MPAA.

Voici une compilation de plusieurs versions de ce code d’éthique établi en 12 points :

Principes Généraux :

1. On ne produira pas de film susceptible d’abaisser les standards moraux de ceux qui le voient. Ainsi, la sympathie du spectateur ne doit jamais aller du côté du vice, du crime, du mal ou du péché.

2. On montrera des standards corrects de vie ne dépendant que des exigences du drame et du divertissement.

3. La Loi, naturelle ou humaine, ne sera pas ridiculisée et aucune sympathie ne sera accordée à ceux qui la violent, notamment le gangster et la femme déchue.

Applications particulières :

I. Violations de la loi

Elles ne seront jamais présentées de façon à créer de la sympathie pour le criminel ou contre la loi ou la justice, ni inspirer à d’autres un désir de les imiter.

1. Le meurtre

a. La technique du meurtre doit être présentée de manière à ne pas encourager l’imitation.

b. Des meurtres brutaux ne doivent pas être présentés en détail.

c. La vengeance n’est pas justifiée dans un film où l’action se passe dans l’époque contemporaine.

2. Les méthodes criminelles

a. Les techniques pour le vol, le cambriolage et le dynamitage de trains, de mines, de bâtiments, etc., ne doivent pas être présentées en détail.

b. L’incendie criminel doit être soumis aux mêmes sauvegardes.

c. L’utilisation d’armes à feu doit être limitée.

d. Les méthodes utilisées dans la contrebande ne doivent pas être présentées.

3. Le trafic de la drogue ne doit jamais être présenté.

4. On ne montrera pas la consommation de spiritueux dans la vie américaine, sauf dans les cas où cela fait partie intégrante du scénario ou des caractéristiques d’un personnage.

II. Sexe

L’institution du mariage et l’importance de la famille sont primordiales. On ne devra pas inférer que les relations sexuelles de bas-étage sont d’un usage courant et reconnu.

1. L’adultère, parfois nécessaire dans le contexte narratif d’un film, ne doit pas être présenté explicitement, ni justifié, ni présenté sous un jour attrayant.

2. Les scènes de passion :

a. Ils ne doivent pas être présentées sauf s’ils sont absolument essentielles à l’intrigue ;

b. Des baisers excessifs ou lascifs, des caresses sensuelles, des étreintes trop passionnées, des poses et des gestes suggestifs ne doivent pas être montrés ;

c. En général, le sujet de la passion doit être abordé de façon à ne pas éveiller de basses émotions ;

3. La séduction, le viol

a. La suggestion est permise (rien de plus) et seulement lorsqu’il s’agit d’un élément essentiel à l’action. On ne doit jamais les montrer de façon axplicite ;

b. Ce ne sont jamais des sujets de comédie.

4. Toute perversion sexuelle (sous-entendue ou non) est formellement interdite.

5. L’esclavage de personnes de race blanche (traite des blanches) ne doit pas être présenté.

6. La miscégénation (présentation de rapports sexuels entre les personnes de race blanche et celles de race noire) est interdite.

7. L’hygiène sexuelle et les maladies vénériennes ne sont pas des sujets appropriés au cinéma.

8. La naissance d’un enfant (même en silhouette) ne doit jamais être présentée.

9. Les organes sexuels d’un enfant ne doivent jamais être visibles à l’écran.

III. Grossièreté

La présentation de sujets bas, vulgaires et répugnants doit être soumise au respect des sensibilités des spectateurs et aux préceptes du bon goût en général.

IV. Obscénité

Les mots, gestes, références, chansons plaisanteries ou suggestions (même seulement compréhensibles d’une partie restreinte du public) sont interdits.

V. Blasphème

Le blasphème intentionnel ou tout autre propos irrévérencieux ou vulgaire est strictement interdit. Aucune approbation du Code ne sera accordée à l’usage des mots et expressions suivants : alley cat (chatte de gouttière), bat (vampire femelle), broad (gonzesse), chippie (fille de joie), cocotte, cries of fire (cris de jouissance), cripes (miel, dans un sens vulgaire), fanny (fesse, cul), fairy (tante), finger (doigt dans un sens symbolique), gawd (déformation de gode), to goose (mettre la main au panier), hold your hat (te branle pas), hot (en chaleur), louse (salopard), lousy (salaud), Madam (maquerelle), nerts ou nuts (couilles ; autorisé dans le sens de dingue), pansy (pédale), slut (roulure), S.O.B. = son of a bitch (fils de pute), tart (garce), toilets gags (gags de pissotières = scatologie), tom cat (chaud lapin), whore (prostituée)…

De même, Christ, Jesus ou God employés irrévérencieusement, damn, Hell sauf quand l’usage de ces deux mots est essentiel à l’action ou au portrait du personnage, dans un contexte historique, folklorique ou biblique ou s’il s’agit d’une citation littéraire, sont d’un usage intrinsèquement déplorable et offensant pour le bon goût.

Les mots suivants sont évidemment choquants pour le public du cinéma aux Etats-Unis, et plus particulièrement pour le public des pays étrangers : chink (chinetoque), dago (rital), frog (grenouille = français), greaser (levantin, mexicain), hunkie (polak), kide ou yid (youpin), nigger (sale nègre), spig (métèque), wop (rital)…

VI. Costume

1. La nudité complète n’est en aucun cas admise. L’interdiction vise la nudité de fait, la nudité en silhouette et toute vision licencieuse d’une personne nue par d’autres personnages du film.

2. Les scènes de déshabillage sont à éviter sauf lorsqu’il s’agit d’un élément essentiel du scénario.

3. Les exhibitions indécentes ou malvenues sont interdites. Celle du nombril également..

4. Les danses lascives ou avec des mouvements inconvenants et les costumes trop révélateurs sont interdits.

VII. Danses

1. Les danses qui suggèrent ou représentent des relations sexuelles sont interdites.

2. Les danses qui accentuent des mouvements indécents doivent être considérées comme obscènes.

VIII. Religion

1. Aucun film ne doit se moquer de la foi religieuse de quelque croyance que ce soit.

2. Les ministres du culte ne peuvent pas être dépeints comme des personnages comiques ou crapuleux.

3. Les cérémonies de n’importe quelle religion définie doivent être présentées avec beaucoup de respect et d’attention.

IX. Emplacements

La présentation de chambres à coucher doit être dirigée par le bon goût et la délicatesse.

X. Fierté nationale

1. La présentation du drapeau se fera toujours de manière respectueuse.

2. L’histoire des institutions, des gens connus et de la population en général de toute nation sera présentée avec impartialité.

XI. Titres

Comme son titre est pour un film ce que la marque est pour un autre genre de marchandise, il devra se conformer à l’éthique requise par cette honnête industrie.

XII. Sujets Répugnants

Les sujets suivants doivent être traités avec beaucoup de prudence et de bon goût en m énageant la sensibilité du public :

1. Les pendaisons et les électrocutions légales (punition d’un criminel).

2. La brutalité et l’horreur.

3. Le tatouage (marquage au fer) d’animaux ou d’êtres humains.

4. La cruauté envers les enfants ou les animaux.

5. La vente des femmes et la prostitution.

6. Les opérations chirurgicales.

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