20 mai – Aloïs Nebel – Fard

ALOÏS NEBEL

 

de Tomáš Luňák, République tchèque, Allemagne, 2011

Avec Miroslav Krobot, Marie Ludvikova, Karel Roden …

Film d’animation (rotoscopie) basée sur la BD éponyme de Jaroslav Rudis

Nous sommes en 1989: Alois Nebel travaille à la gare de Bily Potok, dans une région de la Tchécoslovaquie autrefois « Sudetenland » (Land des Allemands des Sudètes). C’est un homme solitaire qui passe des heures à (re)lire d’anciens horaires de train.  Et qui souffre d’hallucinations. Quand le brouillard se lève, il voit des fantômes. Fantômes de son passé, du passé de son père. Dans cette gare frontalière, il y a eu des drames terribles pendant et après la guerre …

En 1989, Aloïs Nebel vieillissant (Nebel = brouillard en allemand) a l’âge d’avoir vécu l’occupation et la débâcle nazies dans cette région tchèque à majorité allemande, revendiquée comme province du Reich par Hitler et annexée comme telle « grâce » aux accords de Munich.

En 1989, Nebel va bientôt vivre la chute du communisme, la disparition de son pays (la Tchécoslovaquie) et l’avènement de Vaclav Havel président. Sous le crâne de notre héros solitaire, la tempête des souvenirs le dispute à la tornade du présent.

 

Très bien accueilli par la critique, le film de Lunàk a parfois été qualifié de difficile à suivre par le public français. Notre méconnaissance de l’histoire des anciens « pays de l’Est » est hélas légendaire. Alors, comme la bande dessinée – fleuve et éponyme -  dont s’inspire le film n’a pas été traduite en français, voilà un petit, tout petit résumé historique.

 

Les Sudètes en Bohême :

Carte de l’Autriche-Hongrie en 1911 montrant la répartition des nationalités dans l’ancien empire et la présence majoritaire des Allemands (en rose) sur le pourtour de la Bohême.

Durant le Moyen Âge, les rois de Bohême font appel aux Allemands pour coloniser des terres, peupler des villes et apporter leur savoir-faire. Au début du XXe siècle, ils représentent près de 30 % de la population totale de la Bohême, laquelle fait alors partie de l’Empire austro-hongrois.

Les Sudètes en Tchécoslovaquie :

À l’issue de la Première Guerre mondiale, le traité de Saint-Germain-en-Laye démantèle l’Empire des Habsbourg. La Tchécoslovaquie, réunissant Tchèques et Slovaques dans un même état, est créée. Les Allemands des Sudètes deviennent une des nombreuses minorités que compte le nouvel État. L’opposition entre les Allemands et les Tchèques ne cessera dès lors de s’intensifier.

Le rattachement des Sudètes au Reich :

Sous la pression des Britanniques et des Français, le gouvernement de Prague doit accepter d’abandonner à Hitler les territoires dans lesquels la proportion sudète est supérieure à 50 % – dans l’espoir d’éviter la guerre. Les accords de Munich (1938) marquent le commencement du démantèlement de la Tchécoslovaquie. Le 21 octobre de la même année, les Sudètes deviennent citoyens du Reich – et figureront parmi les plus ardents partisans du régime nazi.

L’expulsion des Sudètes en 1945 :

Après la guerre, la région des Sudètes (en rouge sur la carte de l’encyclopédie Encarta)  est rendue à la Tchécoslovaquie (à l’exception de la Ruthénie subcarpatique absorbée par l’Union soviétique). En vertu des accords de Potsdam autorisant une «déportation humaine et ordonnée», les Allemands des Sudètes (environ 3 millions) sont expulsés du territoire et tous leurs biens confisqués.

Aujourd’hui :

De part et d’autre de la frontière, la question des Allemands des Sudètes demeurera longtemps très sensible et deviendra même une source de conflit entre Bonn et Prague. Mais la chute du mur de Berlin et la fin du régime communiste en Tchécoslovaquie mettront fin aux hostilités. En janvier 1997, la République tchèque et la République fédérale d’Allemagne ont signé une déclaration commune ouvrant la voie à la réconciliation.

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Le court

Fard

de David Alapont

 

Synopsis : Dans un futur proche, le monde semble fonctionner de façon efficace et contrôlée…

L’avis du programmateur : Il y a quelques années, Les oiseaux en cage’ de Luis Briceno était une approche hilarante de la notion d’enfermement. Avec le concours de David Alapont, il plonge cette fois-ci le spectateur dans un univers d’anticipation politique qui ne prête guère à sourire. Une profonde sensation d’angoisse naît de cette vision d’un futur proche, formaté et inhumain. Ici, la technique d’animation ‘ prise de vues réelles redessinées ‘ est en totale adéquation avec le sujet : qui y a-t-il sous la peau grise et uniforme de ces personnages clonés ? Un objet du passé ‘ une lampe torche, en prise de vue réelle ‘ devient l’élément qui met en lumière ‘ au propre comme au figuré ‘ la face cachée d’un système que l’on devine totalitaire. Fard est donc un film qui, tout en utilisant les codes d’un genre, métaphorise le geste cinématographique autant que la place du comédien dans ce contexte. Une idée qui n’est pas sans rappeler un classique de l’animation, L’acteur, réalisé par Jean-François Laguionie en’ 1975.

Presse : Fard dépeint une société aseptisée et froide dans laquelle évoluent des clones au teint blafard. Le graphisme est sobre et anguleux, les tons chromatiques se cantonnent à une élégante palette sépia, et les zones d’ombre et de lumière mettent admirablement en relief la forme et le fond de l’histoire. Les auteurs ne s’encombrent pas d’une intrigue compliquée et préfèrent privilégier les symboliques véhiculées par le genre : la représentation despotique du pouvoir ou l’humanité fragilisée par la figure envahissante de l’humanoïde. Le film s’inscrit dans la tradition des 1984 et autres Bienvenue à Gattaca, propres à dénoncer le présent en prédisant l’avenir. Le procédé d’animation de Fard – des prises de vues réelles ensuite redessinées – entremêle les souvenirs des deux Metropolis, celui de Fritz Lang, en prise de vue réelle revisité en manga contemporain par le Japonais Rintaro jusqu’à faire de cette dualité plastique son moteur scénaristique. Une lampe torche – objet anachronique issu du passé et bien réel – est en effet le grain de sable qui vient gripper la machine fardée. Car son rai de lumière a l’étrange pouvoir d’effacer la couche de maquillage-mensonge qui recouvre uniformément les gens et les choses. Cette mise en abîme aux sens multiples ramène toutefois le spectateur à une même question, chaque jour plus d’actualité : ce que l’on voit est-il réel ou tout n’est-il que masque ? Fabrice Marquat – Bref n°91, 2010

Récompenses :

Mention du jury, Festival du court métrage (Vélizy-Villacoublay / France – 2010)
Prix étudiant, Un festival c\’est trop court (Nice / France – 2010)

Meilleur film d’animation, Festival du film merveilleux et imaginaire (Paris / France – 2009)

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