23 octobre – Fuocoammare, par-delà Lampedusa – Estate

FUOCOAMMARE

Par-delà Lampedusa

« Mer en feu »

Ours d’or au Festival de Berlin 2016

 

Date de sortie : 28 septembre 2016

Durée : 1h 49min

Réalisé par : Gianfranco Rosi

Avec des acteurs inconnus

Genre : Documentaire

Nationalités : Italo-Française

Samuele a 12 ans et vit sur une île au milieu de la mer. Il va à l’école, adore tirer et chasser avec sa fronde. Il aime les jeux terrestres, même si tout autour de lui parle de la mer et des hommes, des femmes, des enfants qui tentent de la traverser pour rejoindre son île. Car il n’est pas sur une île comme les autres. Cette île s’appelle Lampedusa et c’est une frontière hautement symbolique de l’Europe, traversée ces 20 dernières années par des milliers de migrants en quête de liberté.

Dieter Kosslick, le directeur de la Berlinale, avait prévenu: «Le thème principal de cette année, c’est le droit au bonheur, le droit à un logement, à l’amour, le droit de choisir sa vie».

Le titre du film, « mer en feu », désigne une réalité pour les migrants, mais, pour les habitants de l’île, il s’agit d’abord d’une chanson populaire évoquant l’incendie d’un bateau au large de Lampedusa pendant la Seconde Guerre mondiale. « Une histoire racontée par la grand-mère qui parle d’un « temps de guerre » durant lequel « la mer est devenue rouge » : des mots qui peuvent se conjuguer au présent… »

Brut, sans voix off ni commentaire, le film raconte en parallèle le quotidien d’habitants de Lampedusa,- un garçon de 12 ans, Samuele, sa famille, un pêcheur d’oursins ou le médecin Pietro Bartolo, qui porte secours à des migrants à Lampedusa depuis les années 1990, et celle de ces migrants. Gianfranco Rosi a vécu plus d’un an sur Lampedusa, observant la vie des pêcheurs de l’île, déconnectés du drame qui se trame à quelques kilomètres de la côte, accompagnant les équipes chargés de porter les premiers secours aux hommes, femmes et enfants rescapés de voyages fatals pour beaucoup d’autres. De ce travail d’immersion Gianfranco Rosi, seul derrière sa caméra, a rapporté des images puissantes, dénuées de commentaire, auxquelles le cinéaste confère une dimension allégorique grâce à un montage audacieux, qui privilégie la réflexion à l’émotion immédiate.

« J’ai vu tellement de choses horribles, épouvantables », a témoigné le docteur Bartolo lors de la conférence de presse. « J’ai vu tellement d’enfants morts, de femmes enceintes mortes, de femmes qui ont été violées », a-t-il ajouté. « J’en fais des cauchemars très souvent. »

Dans une scène particulièrement forte du documentaire, le médecin décrit la déshydratation, la malnutrition, les graves brûlures dues à l’essence ou les états d’asphyxie dus aux émanations de moteurs dans lesquels se trouvent certaines des personnes qu’il doit secourir, ainsi que le difficile travail d’examen des cadavres repêchés en mer.

« Parler de ces choses me fait mal à chaque fois (…), mais j’accepte parce que j’ai l’espoir qu’à travers ces témoignages, on pourra sensibiliser des personnes » à ce qui est « devenu un problème dramatique, de portée universelle »,  dit-il encore.

«En ce moment, toutes mes pensées vont à tous les gens qui ne sont jamais arrivés à Lampedusa pendant ce voyage de l’espoir» qu’ils avaient entamé, a déclaré le réalisateur, Gianfranco Rosi, après avoir reçu son prix, qu’il a dédié aux «gens de Lampedusa». «Les murs et les clôtures ne marchent jamais, elles ne résistent jamais», a-t-il mis en garde. «J’espère apporter une prise de conscience, il n’est pas normal que des gens meurent en traversant la mer pour échapper à des tragédies», a estimé Gianfranco Rosi, qui, pour Fuocoammare, a passé près d’un an à Lampedusa, petit morceau de terre de 20 km2 situé entre Malte et la Tunisie.

« Là où les médias croient rendre compte de la réalité en empilant les informations et les images, je préfère fermer certaines portes, plutôt que les ouvrir toutes grandes avec des chiffres, des explications et des interviews, pour rendre le public curieux, intrigué et le laisser imaginer et ressentir. Je ne m’intéresse pas aux documentaires comme ceux de Michael Moore, qui ne sont qu’une succession de plaintes et d’explications montées les unes après les autres. » a ajouté le réalisateur.

Dans le film, les migrants et les habitants de Lampedusa ne se croisent jamais, comme il en va de même dans la réalité. Gianfranco Rosi explique ainsi que ces dernières années, les conditions de débarquement ont profondément évolué : « Il y a cinq ans, avant même les printemps arabes, les bateaux accostaient directement à Lampedusa, tous les jours, en différents endroits de l’île comme à Lesbos aujourd’hui. Les habitants et les migrants pouvaient facilement se croiser, voire se rencontrer. À présent, la frontière a reculé et les embarcations des migrants sont directement interceptées en mer, depuis que l’opération Mare Nostrum s’est mise en place après la tragédie du 3 octobre 2013 et un nouveau naufrage de centaines de migrants. La frontière s’est donc déplacée des côtes de Lampedusa vers la haute mer, avec des navires militaires qui arrêtent les bateaux, transbordent les migrants, les amènent directement au port, d’où ils sont conduits par bus jusqu’à un centre, où ils sont identifiés puis transférés au bout de quelques jours dans d’autres hotspots, en Sicile ou ailleurs en Italie. Il n’existe donc aucune interaction entre les migrants et les habitants, à part le docteur qui les examine et constitue un des personnages centraux de mon film. Le mystère demeure sur cette mer qui peut amener des cadavres dans la vie des insulaires, mais qui ne se reflète pas nécessairement dans leur vie quotidienne. C’est une miniature de ce qui se passe dans toute l’Europe, où s’expriment avant tout les peurs et les sentiments négatifs vis-à-vis des migrants qui sont comme des ombres avec lesquelles on ne communique pas. »

La présidente du jury de la Berlinale cette année, l’actrice américaine Meryl Streep, a dit que les jurés avaient été «bouleversés» par ce documentaire qui «allie la critique à l’art et la nuance». Ce film «va au cœur de ce qu’est la Berlinale», a-t-elle poursuivi, soulignant que le film réussissait parfaitement un mélange «hybride» entre des scènes prises sur le vif et des histoires racontées.

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Le court

ESTATE

de Ronny Trocker

France, 2016, Fiction/Animation, Couleur, Français. – 07’25

Synopsis : Sur une plage méditerranéenne ensoleillée, le temps semble figé. Un homme noir, à bout de force, rampe péniblement pour quitter la plage. Autour de lui, les baigneurs habituels semblent ne pas le voir…

L’avis du programmateur : À l’origine d’Estate, il y a un cliché ayant fait le tour du monde, pris en 2006 aux Canaries, sur une plage de Fuerteventura par le photographe espagnol Juan Medina. On y voyait un migrant africain à bout de forces et, en fond de champ, des touristes occidentaux en pleine séance de bronzette. Après le succès de Gli immacolati, Ronny Trocker s’en est librement inspiré pour dessiner une nouvelle varation sur notre indifférence aux populations déshéritées. Ancien pensionnaire du Fresnoy, cet artiste visuel engagé joue avec les angles et l’immobilité de ses personnages pour faire passer son message : les vacanciers et le réfugié ne sont pas mobiles en même temps et semblent appartenir à deux mondes différents. Ainsi, les privilégiés en villégiature prennent en photo avec leur smartphone, au mieux, l’intrus venu troubler la quiétude de leur repos. Le temps de cet instant de climax s’étire, le réalisateur le module et le tord, faisant ressortir le drame de la situation de ceux qui cherchent à gagner l’Europe, un motif d’actualité qui n’a pas fini de nous faire réfléchir, donc sur lequel des regards d’artistes se révèlent d’autant plus précieux.

Carrière du film :
Le court en dit long (Paris – 2016)
Festival international du film d’animation (Annecy – 2016)
Festival International du Film (Berlin – 2016)
Festival international de Hong Kong (Hong-Kong – 2016)
Festival international du cinéma d’animation, Trickfilm (Stuttgart – 2016)
Festival international du court métrage (Istanbul – 2016)
Festival international du film (Bruxelles – 2016)

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