26 mai – Les camarades – Babcock, une histoire ouvrière

LES CAMARADES

de Mario Monicelli

Il faut tout d’abord dire que c’est un très beau film. Les personnages et la situation sociale de l’époque sont magnifiquement filmés” (Gilles Perret)

Date de sortie 1er janvier 1963

Date de reprise 31 octobre 2018

Durée : 2h 10min (Version restaurée)

Réalisé par : Mario Monicelli

Avec : Marcello Mastroianni, Renato Salvatori, Bernard Blier

Genre : Comédie dramatique

Nationalités : italienne, française

En 1905, dans une fabrique textile de Turin, les ouvriers, soumis à un rythme de travail infernal, voient se multiplier les accidents. Trois d’entre eux entrent en conflit avec le contremaître à la suite d’un nouveau drame. Il est alors décidé, en guise de protestation, que tous partiront une heure plus tôt ce soir-là. Mais cette action n’est pas du goût des patrons, qui profitent de l’inexpérience de ces hommes simples pour les berner. Les sanctions tombent. L’instituteur Sinigaglia, un militant socialiste, fraîchement débarqué de Gênes, pousse les ouvriers à s’organiser…

« Ce film ambitieux, autant sur le plan historique que politique, abordant les luttes ouvrières sous l’angle de l’échec, ne connut pas le succès en son temps, sans doute à cause d’une formulation ambiguë. S’il semble emprunter le schéma habituel de la comédie (celui, par exemple, de La Grande Guerre, du même Monicelli, en 1959), la dérision cède vite le pas devant le réalisme et la noirceur tragique des situations dépeintes. » (Matthieu Macheret, Le Monde)

« Dans la riche carrière de Monicelli, pour l’essentiel consacrée à la comédie, Les camarades brille d’un éclat particulier, par son engagement politique, le film décrivant une longue grève dans une usine à la fin de dix-neuvième siècle. Tiré d’un fait authentique, il ne se borne pourtant ni au misérabilisme ni au pamphlet. Certes, le portrait des patrons est chargé : manipulateurs, insensibles, sournois, avides, ils font patienter les ouvriers une heure avant de les recevoir et les méprisent avec un paternalisme écœurant. » (Avoir Alire)

« L’approche de Monicelli est plus humaniste que politique pour dépeindre les événements. Le film s’ouvre ainsi sur le réveil laborieux d’Omero (Franco Ciolli), un adolescent travaillant déjà à l’usine pour nourrir sa famille. L’espace misérable du foyer permet de deviner ceux des autres ouvriers, soumis à des conditions de travail précaires (…) Tout le film oppose et questionne la notion de l’individu et du collectif. Le collectif ne fonctionne dans un premier temps que pour l’entraide (les collectes quotidiennes pour les ouvriers accidentés) et courber l’échine. L’habitude de la soumission et l’avenir incertain anéantissent les timides tentatives de rébellion. Monicelli fragmente l’unité fragile par sa mise en scène, avec un montage séparant les ouvriers lorsqu’ils s’allient pour terminer une heure plus tôt. » (DVD Classik)

« Cet ouvrage est à la fois un document, une chronique et une épopée dans la tradition des grands films révolutionnaires. Les faits, ce sont la misère, l’insécurité, le chômage, le froid (on est en hiver), et ce que ceux-ci entraînent : la colère, la lutte – notamment pour obtenir une journée de treize heures (au lieu de quatorze heures), la brève espérance, le désespoir, l’échec. Ce sont également les conflits internes divisant provisoirement les travailleurs, puis leur solidarité face à l’injustice, aux sanctions de tous ordres, et cet immense élan de fraternité qui les unit le matin où l’un d’eux, le plus jeune, tombe assassiné.[...] Des hommes souffrent, travaillent, se révoltent et meurent sous nos yeux », écrivait Yvonne Baby dans « Le Monde », en janvier 1966.

Mais « il y a aussi des moments pleins d’espoir lorsque les ouvriers se mettent ensemble et prennent en main leur destinJe constate qu’aujourd’hui, avec les nouvelles générations, il est plus facile de poser la question du partage des richesses et de remettre en cause l’idée qu’il n’y aurait pas d’alternative à cette économie libérale, qui va finir par tout détruire, la nature et les organisations humaines, par pure cupidité. C’est une note d’espoir car le questionnement est le début de la résistance » souligne Gilles Perret.

Quelle que soit l’époque, tout conflit social est alimenté par les mêmes espoirs, les mêmes déceptions, les fatigues, mais surtout par la fraternité dans l’épreuve. Cela ne va pas, cependant, sans une certaine méfiance entre travailleurs et intellectuels militants. Face aux travailleurs leaders, suiveurs ou opportunistes, on retrouve les patrons, sûrs de leur pouvoir, arrogants, cyniques, les « premiers de cordée » chers à Emmanuel Macron si l’on veut faire un parallèle avec la situation actuelle.

« Monicelli n’est pas un lyrique ; son film ne ressemble pas non plus à un tract habité par des personnages abstraits. Au contraire, il mêle les tons, passant sans transition du cocasse au dramatique (voir la bagarre burlesque qui se conclut par l’écrasement de Pautasso). De même son souci extrême du détail (le couteau qui ne s’ouvre pas, la chaussette trouée qui laisse passer l’œuf) donne-t-il l’impression que la vie ne cesse de s’infiltrer dans le récit. Et s’il se permet des travellings élégants (l’ascension d’Adèle, la marée de mains levées), c’est la plupart du temps une mise en scène discrète mais attentive qui fait des Camarades une œuvre constamment touchante et captivante, parsemée de belles idées, de beaux gestes (Omero qui mouche son frère). Bref, une réussite à voir et à revoir inlassablement. » (Avoir Alire)

 

 

 

 

 

 

 

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Le court

 Babcock, une histoire ouvrière

de Sami Lorentz et Audrey Espinasse

Un témoignage passionnant, toujours d’actualité…

Synopsis
Dans le silence de l’usine Babcock à La Courneuve, d’anciens salariés nous livrent leurs souvenirs de travail, leurs combats.

Pour aller plus loin
Un visage et un lieu. Un ouvrier et l’atelier de La Courneuve où il a travaillé jadis, désormais vidé, nettoyé et silencieux. Toute une histoire ressuscite ainsi : celle de la banlieue laborieuse, de la lutte des classes, des mouvements sociaux et de la culture ouvrière, fière et solidaire. Une époque enfuie, comme celle du plein emploi, qu’évoquent des personnalités attachantes et admirables, de celles qui firent la noblesse des
mouvements de travailleurs de ce pays jusqu’à sa désindustrialisation, aussi abrupte qu’injuste. À travers eux, on repense à beaucoup d’autres : les “Lipp” filmés par Christian Rouaud, la femme en pétard dans La reprise du travail aux usines Wonder et ses collègues retrouvés par Hervé Le Roux à travers Reprise, les ouvrières du textile d’Entre nos mains de Mariana Otéro, etc. La liste est longue et Babcock…, conçu dans le cadre d’une collection intitulée Filmer la ville, apporte son écot à cette inestimable mémoire, alternant avec beaucoup de densité (sur dix minutes seulement !) interviews et documents d’archives. On ne fera jamais table rase de cette histoire, riche et fondatrice, quoiqu’en disent les hérauts de la haute finance. Le cinéma a aussi cette fonction, le moment est idéal pour s’en souvenir, cinquante ans après Mai 68.

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