20 octobre – Central do Brasil – Baka

CENTRAL DO BRASIL

de Walter Salles

 

Date de sortie : 2 décembre 1998

Date de reprise : 11 juillet 2018

Durée : 1h 53min

Réalisé par :  Walter Salles

Avec : Fernanda Montenegro, Vinicius de Oliveira, Marília Pêra

Genre : Drame

Nationalité : franco-brésilienne

Ours d’or pour le réalisateur (1998)

Ours d’argent pour la comédienne (1998)

Globe d’or du Meilleur film étranger (1999)

Gare centrale de Rio de Janeiro. Dora, une institutrice à la retraite, gagne sa vie comme écrivain public auprès des immigrants illettrés. Parmi eux, Ana et son fils Josué, âgé d’une dizaine d’années. Ce dernier ne connaît pas son père et entend le retrouver grâce à la lettre qu’ils dictent à Dora. De retour dans son modeste appartement, Dora retrouve sa voisine Irène. Toutes deux se livrent à un curieux manège. Presque cyniquement, elles trient les lettres du jour, choisissant celles qui «méritent» d’être postées, écartant les autres, dont la plupart finissent à la poubelle et quelques-unes, dont celle de Josué, au fond d’un tiroir. Quelques jours plus tard, n’ayant pas reçu de réponse, Josué et Ana reviennent voir Dora pour lui dicter un nouveau courrier. Mais, en sortant de la gare, Ana est renversée par un bus et meurt. Josué, livré à lui-même, revient vers la seule personne qu’il connaisse dans la gare, Dora…

Quand Fernanda Montenegro s’est installée à sa table dans la Gare Centrale de Rio, lieu de croisement quotidien de 400 000 « cariocas », des gens sont venus la solliciter pour lui faire rédiger des lettres. C’est l’occasion de leur laisser la parole pour traduire leur détresse humaine. Certaines de ces scènes ont été intégrées au film.

Walter Salles puise son inspiration dans le « cinema novo » des années 60 et il symbolise le renouveau du cinéma brésilien. Il met en scène la sombre situation sociale brésilienne : analphabétisme, enfants livrés à eux-mêmes, violence, trafic d’organes, banditisme… Cependant, il donne une image beaucoup plus chaleureuse du « Sertão », le Nordeste brésilien, terre âpre et désertique, à la religiosité exacerbée, balayée par les vents, polygone de la sècheresse. Il magnifie la beauté et l’immensité de ces terres sauvages. Des scènes comme la procession ne doivent pas faire écran à la misère de cette région. Bien au contraire. Cette immense ferveur est inversement proportionnelle à l’état de dénuement dans lequel vivent les habitants du Sertão. Elle est aussi leur ultime bouée de sauvetage et fait d’eux des humbles souvent illettrés qui ont appris à se résigner et à se réfugier dans des croyances religieuses faute de certitudes politiques.

Le long cheminement des personnages est une recherche des racines comme le film recherche le père symbolique de la « Nouvelle Vague »du cinéma brésilien, Glauber Rocha (Le Dieu noir et le diable blond, Terre en transe, Antonio das Mortes…). La famille du garçon a des connotations bibliques. Isaïe (l’un des frères) annonce la puissance de Dieu. Moïse (l’autre frère) aperçoit la Terre Promise mais ne l’atteint pas. Josué (le jeune garçon) pénètre avec son peuple dans cette Terre Promise et tous les trois attendent le retour du Père, Jesus.

Les deux protagonistes vont à contre-courant des chemins de l’émigration traditionnels à la recherche d’une vie meilleure , dans lesquels la ville, le sud et le littoral fonctionnent comme de véritables aimants vers l’aliénation de la société de consommation. Ils progressent entre la Gare Centrale de Rio, espace du délabrement d’une infra-population et de son indifférence, sordide, inhumaine, violente, et le centre du « Sertão », symbole, dans le film, d’une culture vivante et d’une solidarité persistante.

« En 1998, les portables existaient mais il n’était pas possible d’envoyer des photos ou de se connecter aux réseaux sociaux. Il y avait un sceau d’innocence dans les lieux où nous avons tourné. Nous avons traversé 8 000 km, depuis le Sertão, dans le Nordeste, pour essayer de retrouver, non seulement le père de Josue, mais aussi notre propre pays. Je voulais dévoiler des images qui n’avaient pas été montrées au cinéma ou à la télévision. L’idée était de révéler un non-dit national. Central Do Brasil fut une quête initiatique pour les héros comme pour l’équipe. On ressent ce qui se passe devant et derrière la caméra. «  (Entretien de Walter Salles sur Konbini à l’occasion de la reprise du film)

Né en 1956 à Rio de Janeiro, Walter Salles a passé son enfance en France et aux États-Unis avant de s’établir définitivement au Brésil. Après des études d’économie à Rio, il obtient un diplôme en communication audiovisuelle en Californie. Il commence par réaliser plusieurs documentaires à la fin des années 1980. Il réalise une première fiction en 1991, A grande arte, mais la crise économique freine sa carrière. Il réalise alors, depuis le Brésil, des documentaires pour la télévision européenne. Central do Brasil, en 1998, inspiré de son court-métrage documentaire Soccoro nobre (1996), lui vaut une consécration internationale. Il intervient en tant que producteur sur La cité de Dieu en 2003. Carnets de voyage, sur la vie du Che, obtient le Prix du Jury à Cannes en 2004. Il participe à plusieurs films collectifs comme Paris, je t’aime ou Chacun son cinéma. Il signe en 2009 avec sa partenaire de longue date, Daniela Thomas, la réalisation d‘Une famille brésilienne, drame poignant sur le portrait d’une famille qui tente de se réinventer au sein d’un contexte social délicat (Sao Paulo, fourmilière impitoyable). En 2011, il adapte le roman de Jack Kerouac, Sur la route.

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Le court

Baka

d’Arvid Klapper

L’immigration clandestine vue par une enfant…

Meilleur film de fiction au Festival de Shanghai en 2017.

La vie de la jeune Milica, sept ans, serbe, change brutalement lorsque sa grand-mère qui l’élève seule tombe gravement malade. Son oncle Goran doit l’emmener chez lui en Allemagne. Il devra la faire passer pour son propre fils, resté à la maison. Goran va tenter de gagner la confiance de la jeune Milica, qui résiste.

Depuis quelques années, l’Atelier Ludwigsburg-Paris s’adresse aux récents diplômés en cinéma et aux jeunes producteurs, permettant de finaliser une série de courts métrages coproduits par Arte et la chaîne régionale allemande SWR. En 2017, c’est dans la thématique “Vos papiers, s’il vous plaît !” que s’est inscrit Baka, un mot qui signifie directement “grand-mère” dans la langue serbe. Désignant l’un des personnages du trio familial ainsi mis en scène, il laisse entrevoir en filigrane une situation poignante, déchirante pour une gamine dont la vie bascule, alors que sa mère est décédée et sa chère mamie condamnée par la maladie. Son oncle vient donc la chercher afin de l’emmener avec lui dans un autre pays, devant trouver un stratagème pour lui faire passer la frontière.

Rien n’est jamais dogmatiquement énoncé, on avance dans l’histoire avec délicatesse, avec un mystère dévoilant peu à peu un drame individuel dont on attend un dénouement heureux, du moins un certain apaisement… À la faveur de gros plans sur les visages, le réalisateur nous entraîne au plus près des personnages et nous touche directement au cœur.

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