20 août – La chasse au lion à l’arc / Les animaux domestiques

 A 20 h 30

LA CHASSE AU LION A L’ARC

Date de sortie : 1965

Date de reprise : 31 mai 2017 – Version restaurée

Réalisé par : Jean Rouch

Avec : acteurs inconnus

Genre : Documentaire

Nationalité : Française

À la frontière du Mali et du Niger, les hommes vivent en parfaite harmonie avec le cosmos. Les vaches paissent tranquillement, même en compagnie des lions. Cependant, il arrive que l’ordre cosmique soit rompu lorsqu’un lion décide de s’attaquer à une vache. On décide alors rituellement de partir à la chasse au lion, qui se pratique tous les quatre ans et nécessite une préparation très poussée. Des flèches empoisonnées sont confectionnées, les arcs sont fabriqués tandis que l’on procède à des danses et des incantations pour préparer le poison, le boto. Des pièges sont mis en place et lorsque l’animal s’y engouffre, le chasseur n’a plus qu’à tirer sa flèche…

La Chasse au Lion à l’arc a été réalisé à la frontière du Niger et du Mali dans la brousse “qui est plus loin que loin, le pays de nulle part” au cours de sept missions ethnographiques du CNRS et de l’IFAN, entre 1958 et terminé en 1965. Moins connu que d’autres documentaires du cinéaste ethnographe, ce film montre avec précision et humanité les rituels que Peuls et Gaos attachent à cette chasse.

 

« Le film décrit par le menu les différentes étapes et les rituels de la chasse au lion dans cette région d’Afrique située à l’ouest du fleuve Niger. Et, comme le spectateur le découvre, c’est très compliqué. On ne tue pas un lion comme ça. Il faut respecter des règles très précises. Le lion est “l’ami du berger peul. De temps en temps, il attaque une vache. C’est une vache malade. Ainsi il sauvegarde la santé du troupeau”. Un lion à qui l’on donne des coups de bâton n’attaque jamais l’homme. Les deux espèces se respectent. Mais parfois, un lion rompt le pacte, tue une vache bien portante et ne la mange même pas. Alors les Peuls, peuple de nomades pastoraux, font appel aux Gaos, des sédentaires chasseurs de lions, les seuls à avoir le droit de tuer un lion. Ne racontons pas le film en entier, mais tout y est passionnant, fascinant, romanesque, troublant, magique.

La grande force du film, c’est d’évidence la voix off de Rouch, son timbre chaleureux, le lyrisme de son style, sa précision scientifique. Son actualité, c’est de montrer qu’à la fin des années 1950, les hommes ne tuaient pas les animaux n’importe comment pour n’importe quelle raison. Quand les Gaos calment un jeune lion avant de le cribler de flèches en lui tressant des louanges, en exhortant le boto (le poison) à agir au plus vite, c’est parce qu’“il n’est pas bon de tuer un lion en colère.

Alors on reste coi devant tant de respect de la dignité d’un animal. La chasse est une chose grave et méchante, dit Rouch. Avant de conclure : “Les enfants, cette histoire vous ne la vivrez jamais. Car quand vous serez grands, plus personne ne chassera jamais le lion à l’arc…” (Les Inrocks)

 

Pour illustrer ce film, voici également un extrait d’une Fiche pédagogique réalisée par Caroline Zéau, enseignante, chercheuse, spécialiste du cinéma documentaire à l’occasion de Ciné Junior 25, festival international de cinéma jeunes publics en Val-de-Marne qui s’est déroulé du 28 janvier au 10 février 2015 :

« Jean Rouch a réalisé La Chasse au lion à l’arc au cours de sept missions scientifiques qui ont eu lieu entre 1958 et 1965, à la frontière entre le Niger et le Mali. Il raconte la grandeur des chasseurs de lion, la complexité et la beauté des rituels qu’ils mettent en oeuvre pour atteindre leur but. Ainsi, le film rend hommage au peuple Songhay en montrant ce qui constitue sa noblesse : le respect de la nature et la cohérence des relations entre le règne de l’homme, celui de l’animal et celui des dieux. Car ce peuple vit en harmonie avec les bêtes sauvages qui elles-mêmes respectent l’homme. Mais certains lions tuent pour le plaisir et alors, on appelle les grands chasseurs au lion à l’arc qui seuls ont le droit et la compétence pour tuer le lion. Ce film prend la forme d’un conte destiné aux enfants.

En faisant cela, Jean Rouch donne ses lettres de noblesse au désir de pédagogie et inscrit le film dans le prolongement des peintures rupestres qui, dans la brousse, sont les seuls témoignages du mode de vie des « hommes d’avant » ; le cinéma est là pour conserver la mémoire des héros d’aujourd’hui. La forme du commentaire rend hommage à la place de la tradition orale dans la culture africaine et perpétue cette mémoire mais c’est Jean Rouch lui-même qui dit : « Les enfants, écoutez… ». Car la temporalité du film – tourné sur sept années – le place au basculement d’un moment de l’histoire du cinéma initié par Rouch lui-même : celui du cinéma direct. En 1958, la prise de son synchrone est encore techniquement impossible en documentaire, le matériel de prise de son n’est pas adapté au tournage en situation et au recueil de la parole. Il le sera en 1965 à l’issue d’une transition technique et esthétique dont Rouch fut, en France, l’initiateur, mais entretemps le commentaire – associé en post-production aux sons et à la musique – est le seul moyen de rendre compte des dimensions symboliques du langage (la parole, le chant) rattachées aux gestes rituels. Le commentaire – impersonnel et informatif dans le documentaire traditionnel – devient ici le récit passionné d’une double aventure : celle de la chasse et celle du film racontée par son auteur qui mêle sa voix à celles des personnages lorsqu’il parle pour eux et chante avec eux. Jean Rouch met ici en œuvre sa conception de l’anthropologie partagée qui est sa réponse au défi que représente le fait de vouloir « filmer l’autre », un « autre » différent de soi et qu’on ne peut pas réduire à son désir ou à la seule logique cinématographique. Ce problème inhérent au geste documentaire se pose de manière cruciale pour l’ethnologue qui veut rendre compte d’une altérité radicale sans condescendance. L’une des batailles de Rouch consistait donc à trouver une alternative au « baroque colonial », à « l’exotisme aventureux » ou « la sécheresse du bilan scientifique » dans le champ du documentaire ethnographique.

L’autre bataille étant de rendre la caméra mobile pour éviter la position de voyeur distant et privilégier la diversité des points de vue, rapprocher la caméra des hommes, lui faire prendre part aux événements filmés (la « caméra de contact » ou « caméra participante »). Le tournage résulte alors d’une adéquation physique entre l’opérateur-caméraman et le sujet appelée par analogie avec les phénomènes  de possession la « ciné-transe ».

Les inventions narratives dont témoigne ce film prolongent le travail de Robert Flaherty qui avait initié deux principes chers à Jean Rouch : « l’observation à la première personne » et le « feedback » qui implique de toujours soumettre les images aux personnes filmées. Le but est pour Rouch, « d’établir une connaissance mutuelle sur une base de dignité ». « Un film, c’est le seul moyen dont je dispose pour montrer à l’autre comment je le vois. Autrement dit, pour moi, mon public, c’est d’abord l’autre, celui que je filme », disait-il encore. L’anthropologie partagée devient donc une façon de reconsidérer le cinéma qui permet à la personne filmée d’être aussi co-auteur et spectateur du film. »

 

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Le court

Les animaux domestiques

de Jean Lecointre

également conseillé aux enfants (6/10 ans)

France, 2016, Animation, Couleur, Sans dialogue – 04’00 -

Synopsis : M. et Mme Archibald, un couple de riches oisifs ignorant tout des animaux, rencontre son nouveau chat

L’avis du programmateur : Illustrateur singulier de la scène graphique française d’aujourd’hui, Jean Lecointre s’est attaché à adapter l’un de ses albums, paru aux éditions Thierry Magnier en 2007 : Les animaux domestiques. Son court métrage éponyme se divise en plusieurs épisodes mettant en scène un couple de bourgeois et le bestiaire qu’il s’attache à adopter successivement. Chacun de ses segments peut fonctionner en soi et Le chat introduit naturellement la figure d’un félin, tiré à quatre épingles et au timbre de voix aussi élégant que sûr de ses effets, surtout en comparaison d’un pauvre chien, cocker aux oreilles tombantes, devenu maître d’hôtel de la villa des Archibald. L’ignorance et l’émerveillement aisé de ces sympathiques bobos trouve une traduction visuelle idéale dans les collages numériques dont le rendu de papiers découpés prend un cachet immédiatement classieux. Le rythme du montage joue pleinement de l’humour de l’aventure, suivant à la lettre le proverbe selon lequel ‘quand le chat n’est pas là, les souris dansent’. Une encombrante troupe de joyeux rongeurs improvise alors une fête à tout casser dans le salon des inénarrables Archibald et la drôlerie de la théorie du chaos peut enfin se déployer.

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