7 avril – M le maudit – L’ogre

M. LE MAUDIT

de Fritz Lang

 

Date de sortie : 8 avril 1932

Durée : 1h 52min

Date de reprise : 5 mars 2014

Réalisé par : Fritz Lang

Avec : Peter Lorre, Otto Wernicke, Gustaf Gründgens

Genres : Policier, Thriller

Nationalité : Allemande

Toute la presse ne parle que de ça : le maniaque tueur d’enfants, qui terrorise la ville depuis quelques temps, vient de faire une nouvelle victime. Chargé de l’enquête, le commissaire Lohmann multiplie les rafles dans les bas-fonds. Gênée par toute cette agitation la pègre décide de retrouver elle-même le criminel : elle charge les mendiants et les clochards de surveiller chaque coin de rue…

Le film est inspiré d’un fait divers. Peter Kürten aurait tué pour la première fois à l’âge de 9 ans puis il aurait entrepris une véritable série de meurtres sadiques à 20 ans en 1913 tout en se mariant et en gardant une allure de bourgeois respectable. Dans les années 20, il terrorise la ville de Düsseldorf par des crimes particulièrement atroces, la police constate des actes de vampirisme, d’où son surnom de « vampire de Düsseldorf ». Il est arrêté 14 mai 1930 et guillotiné le 2 juillet 1931 pour neuf meurtres, trois viols et sept tentatives de meurtres. Mais ses victimes seraient beaucoup plus nombreuses. Le caractère sexuel de ses crimes et le fait qu’il s’attaque non seulement à des jeunes filles mais aussi à des femmes et des hommes n’a pas été repris par Fritz Lang dans M le Maudit.

Une des questions que soulève ce film est celle de la justice et de la responsabilité des malades. Le criminel Hans Beckert est un malade qui dit tuer malgré lui. Mais est-il responsable des atrocités qu’il commet? Le tribunal populaire qui s’improvise pour le juger réclame la peine de mort à son encontre. Mais la police le soustrait à sa vindicte. Et comment ne pas comprendre ceux qui veulent voir cet individu payer pour ses crimes, mais comment, également, ne pas avoir pitié de lui ? Nous arrivons ainsi à un phénomène courant aujourd’hui, où les évènements sensationnels, relayés par les médias, alimentent et inspirent la création de bouc-émissaires, centre de préoccupation du peuple, qui trouve en cette haine un os à ronger pour plonger dans le piège pervers de l’insatiable quête de satisfaction.

Fritz Lang était particulièrement sensibilisé aux problèmes de la justice criminelle. Sa première femme s’était suicidée en le trouvant dans les bras de Thea von Harbou. Il avait ensuite été accusé de meurtre puis disculpé.
Et un carton mentionne « Maintenant nous devrons surveiller nos enfants ». Dans son livre Cinéma et Histoire, Marc Ferro interprète cette phrase comme une méfiance de Fritz Lang à l’égard de la République de Weimar et sous-entend même qu’il aurait pu être influencé à ce sujet par sa seconde femme et scénariste Théa von Harbou. Il finira par se séparer d’elle car elle deviendra Nazie et voudra rester en Allemagne sous Hitler.

L’acteur allemand Peter Lorre joue ici son premier rôle au cinéma, n’ayant fait jusque là de la figuration. En revanche, il a déjà une solide carrière théâtrale derrière lui commencée à Vienne et poursuivie à Berlin. Après plusieurs longs métrages en Allemagne dans les années trente dont un dirigé par Bertolt Brecht (Homme pour hommes, 1931), il se réfugie en France en 1933 lorsqu’Hitler prend le pouvoir. Il y tourne notamment Du haut en bas de Georg Wilhelm Pabst. Puis il émigre aux Etats-Unis où il interprètera des seconds rôles dans L’ homme qui en savait trop (1934), Le Faucon maltais de John Huston (1941) ou encore Casablanca de Michael Curtiz (1942). Il revient temporairement en Allemagne en 1951 pour réaliser le long métrage Der Verlorene.

M le Maudit est le premier film parlant de Fritz Lang. Le réalisateur réussit ce premier coup d’essai grâce à une utilisation du son très maîtrisée. Ainsi il n’insère aucune musique superflue, la principale étant le thème que siffle le meurtrier. Il utilise le contraste entre les bruits ambiants et le silence pour symboliser l’absence. Le personnage du meurtrier siffle toujours le même thème quand il va tuer une fillette : c’est un des airs de la grande suite pour orchestre Peer Gynt de Grieg.

Ce film qui date de 1932 a été d’abord censuré avec des scènes coupées puis interdit par Goebbels, une fois Hilter au pouvoir. Le cinéaste raconte dans le livre d’Eric Leguèbe Un Siècle de cinéma américain que Goebbels avait utilisé des séquences de M le Maudit dans un documentaire édifiant sur l’art dégénéré.

M [M le maudit] était le film préféré de Lang, ainsi qu’il le confiait au couple joué par Brigitte Bardot et Michel Piccoli en 1963 dans Le Mépris de Jean-Luc Godard où Lang interprète son propre rôle, en bon français dans le texte.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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L’ogre

de Laurène Braibant

Un film poétique sur l’intégration sociale à tout prix.
Doublement primé au Festival d’Annecy en 2017 !

Un géant complexé par sa taille se retient de manger, terrifié à l’idée de révéler son caractère ogresque et ainsi compromettre sa place dans la société. Lors d’un banquet d’affaire, sa vraie nature sera mise à l’épreuve.

Le cinéma d’animation permet régulièrement l’émergence de personnages « bigger than life” et c’est exactement le cas, au sens littéral, avec L’ogre, plébiscité dans les festivals partout dans le monde (ayant notamment reçu le Prix Canal+ à Annecy et celui de la presse à Grenoble).

La gargantuesque créature dessinée par la jeune Laurène Braibant, passée notamment par l’ESAAT à Roubaix, a paradoxalement, au-delà de ses traits fins, presque féminins, un appétit démesuré, ingurgitant tout ce qui lui passe à portée de la bouche lors d’un repas au restaurant. La métaphore d’une époque dominée par les excès de la consommation et de sa dimension insatiable, qui nous rappelle une célèbre scène du Sens de la vie des Monty Python, se détourne pourtant vers un motif de recherche de la nature – la sienne, en premier lieu…

Le propos qui avançait sur le fil de la trivialité, entre vomissements et défécations, se détourne de tout moralisme, pour un dénouement plus aérien, libéré d’une culpabilité que l’on sent largement partagée. La délicatesse du trait et celle du compositing ne donnent que plus d’ampleur à la fable, atemporelle et baroque.

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