UN SINGE EN HIVER
Date de sortie : 11 mai 1962
Réalisé par : Henri Verneuil
Avec : Jean-Paul Belmondo, Jean Gabin, Noël Roquevert…
Genre : Comédie dramatique
Nationalité : Française
D’après le roman d’Antoine Blondin
En juin 1944, Albert Quentin (Jean Gabin), ancien fusilier marin en Chine, tient, avec sa femme Suzanne (Suzanne Flon) rencontrée à La Bourboule, l’hôtel Stella dans le village de Tigreville, sur la côte normande aux environs de Deauville. Il se laisse souvent aller à trop boire, ce qui le porte à la nostalgie de sa jeunesse militaire vécue sur le Yang-tseu-kiang. Lors d’un bombardement en juin 1944, il promet à Suzanne de ne plus boire si l’hôtel échappe à la destruction ; promesse tenue. Quinze ans plus tard débarque Gabriel Fouquet (Belmondo) qui, lui, boit pour oublier l’échec de sa vie sentimentale avec Claire, qui vit à Madrid alors que leur fille est pensionnaire à Tigreville. Les deux hommes, qui n’ont pas « le vin ni la cuite mesquine », vont connaître deux jours apocalyptiques grâce à l’ivresse. L’un va retrouver l’Espagne, l’autre…la Chine.
« Le contexte : C’est l’histoire d’un film qui ne devait pas se faire. A l’origine, le producteur, Jacques Bar souhaitait tourner un film tiré du roman de Roger Vercel Au large de l’Eden, l’histoire d’un commandant de morutier en route vers le Groenland. Un bateau avait donc été réservé chez un armateur de Saint Malo. Mais quand Gabin, pressenti pour le rôle, monte sur le bateau il trouve que « ça sent la morue, et l’odeur du poisson et du gazole ça donne mal au cœur! ». Il refuse le film. Michel Audiard propose alors d’adapter le livre de Blondin, Un Singe en Hiver (prix inter allié 1959). Henri Verneuil fait appel au jeune acteur de la nouvelle vague, Jean-Paul Belmondo, 28 ans à l’époque, révélé 3 ans plus tôt dans A bout de souffle de Jean-Luc Godard. Gabin a 57 ans et à cette époque on l’appelle déjà « Le vieux », ses cheveux blancs et sa brioche y étant sans doute pour quelque chose! Le film est tourné à Villerville (Tigreville dans le film) dans le Calvados durant l’hiver 1962. »(L’Express)
Dans la scène du flamenco chez Esnault, Belmondo ne danse pas, il est doublé pour les gros plans par un danseur espagnol. Le montage soigné permet difficilement de s’en rendre compte. Par contre, la scène de la corrida avec les voitures est exécutée par lui sans doublure non sans prendre quelques risques.
L’entente des deux acteurs fut parfaite durant le tournage, Jean Gabin disant au « môme » qu’il lui rappelait ses vingt ans. Il avait cependant fallu attendre une semaine avant qu’ils s’adressent la parole. Ils avaient entre autres points communs celui d’aimer le sport, leur arrivant par exemple de jouer ensemble au football. Jean Gabin s’improvisa également organisateur de courses cyclistes où concoururent Jean-Paul Belmondo ainsi que Costa-Gavras et Claude Pinoteau, les assistants réalisateurs d’Henri Verneuil. Ce dernier est présent dans le film au moment où son nom apparait à l’écran au générique : il est l’officier allemand qui monte l’escalier. Il est également et comme souvent la « voix » du haut-parleur de la gare.
Un singe en hiver eut fort à faire avec la commission de censure qui voyait dans le film une apologie de l’alcool. Outre les scènes dans lesquelles Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo apparaissaient ivres, le Ministère de la Santé s’offusqua de la trop bonne visibilité des marques d’apéritifs à l’écran. Henri Verneuil avait essuyé un premier refus de la Metro-Goldwyn-Mayer France de financer le film car elle aussi n’avait vu dans le projet qu’une simple histoire d’ivrognes. La MGM et la censure cédèrent finalement.
Quelques dialogues de Michel Audiard
_ Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant que Wang Ho veut dire fleuve jaune et Yang Tse Kiang fleuve bleu. Je ne sais si vous vous rendez-compte de l’aspect grandiose du mélange : un fleuve vert, vert comme les forêts comme l’espérance. Matelot Hénault, nous allons repeindre l’Asie, lui donner une couleur tendre. Nous allons installer le printemps dans ce pays de merde !
- Chut, Albert ! Vous fâchez pas !
- Mais vous fâchez pas, vous fâchez pas ! Mais, nom de Dieu d’bordel, j’vous offre des rivières tricolores, des montagnes de fleurs et des temples sacrés et vous m’transformez tout ça en maison d’passe !… Vous plantez votre Babylone normande dans ma Mer de Chine !…
- Attention aux roches !… Et surtout, attention aux mirages !… Le Yang-Tsé-Kiang n’est pas un fleuve, c’est une avenue… Une avenue d’cinq mille kilomètres qui dégringole du Tibet pour finir dans la Mer Jaune, avec des jonques et puis des sampans d’chaque côté… Pis au milieu y’a des… des tourbillons d’îles flottantes, avec des orchidées hautes comme des arbres… Le Yang-Tsé-Kiang, camarade, c’est des millions de mètres cubes d’or et d’fleurs qui descendent vers Nankin… Et avec, tout l’long, des villes-pontons où on peut tout acheter… De l’alcool de riz, d’la religion, et pis des garces, d’l’opium… Ch’peux vous affirmer, Tenancière, que le fusilier-marin a été longtemps l’élément décoratif des maisons d’thé… dans c’temps-là, on savait rire… Elle s’était mise sur la paille / Pour un maquereau roux et rose / C’était un juif, il sentait l’ail / Il l’avait, venant de Formose / Tirée d’un bordel de Shangaï.
- Oh, c’est beau !…
- C’est pas d’moi !… C’est des vapes, comme ça, qu’y m’reviennent… quand j’descends l’fleuve…
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Le Court
Heavy Sentimental
de Laure Ballarin
France, 2012, Fiction, Couleur, Français – 13’04
Synopsis : Claire passe une bonne soirée. La bière et le whisky lui donnent des ailes…
L’avis du programmateur : Claire boit. Elle rit. Elle danse. Elle fait la folle. C’est une fille de son époque, une fille comme les autres, et pourtant, une pause cigarette la fait passer du bar à un commissariat et l’une de ses cellules de dégrisement. Un comportement rebelle, et pas même un mot de travers, aura suffi’ Le talent de Laure Ballarin est de jouer du contraste, dans son montage, ses cadrages et sa bande sonore, entre l’ambiance survoltée du café où se déroule un concert de rock et le huis clos pesant des locaux policiers, froids et silencieux. Bien entendu, ce qui se lit sur le visage de Claire a radicalement changé, une confrontation à une patrouille de policiers particulièrement nerveux s’étant intercalée, opérant un véritable basculement narratif. Autour de cette scène charnière d’arrestation, Sophie Cattani incarne le personnage avec la finesse qu’on lui connaît (notamment dans le long métrage de Dorothée Sebbagh Chercher le garçon, 2012) et chacun(e) peut aisément se projeter dans sa mésaventure, en des temps où les excès de zèle des forces de l’ordre semblent plutôt répandus. Le regard porté sur notre société en montre finalement toute la violence, tant physique que psychologique, de quelque côté qu’on se tourne ce qu’une scène finale inattendue, mettant en scène un SDF, médiatise sans fard ni faux-semblant.
Carrière du film :
Prix d’interprétation féminine (Cattani, Interprétation) Festival Premiers plans (Angers / France – 2013)
Un poing c’est court (Vaulx-en-Velin / France – 2013)
Festival du film (Saint-Paul-Trois-Châteaux / France – 2013)
Festival du film court en plein air de Grenoble (Grenoble / France – 2013)