27 mars – Fitzcarraldo

FITZCARRALDO

Date de sortie 16 juin 1982

Durée : 2h 35min

Réalisateur : Werner Herzog

Avec : Klaus Kinski, Claudia Cardinale, José Lewgoy  

Genre : Aventure

Nationalité : Germano-Péruvienne

« Fou et démesuré, Fitzcarraldo marquera à jamais le cinéphile qui osera s’en approcher. »

Brian Sweeney Fitzgerald, qui se fait appeler « Fitzcarraldo », arrive à Manaus en provenance d’Iquitos accompagné de son amie Molly, après quelque 2 000 kilomètres de navigation sur les rivières amazoniennes, afin d’assister à une représentation d’Emani où son idole le ténor Enrico Caruso tient le rôle principal. Passionné d’art lyrique, il rêve de construire un opéra à Iquitos en plein milieu de la forêt péruvienne, où se produiront Caruso et Sarah Bernhardt, interprétant Verdi. Son activité de fabricant de pains de glace n’étant pas assez lucrative pour financer l’opération, il achète une concession sur la rivière Ucayali, afin d’exploiter l’hévéa, l’arbre à caoutchouc. Il se procure un bateau auprès d’un concurrent et recrute un équipage.

Inévitablement, le spectateur pense à un autre film de Herzog, Aguirre, la colère de Dieu : mêmes lieux (la forêt amazonienne), même comédien dans le rôle principal (Klaus Kinski), poursuite d’une chimère démesurée. Le réalisateur dira plus tard que l’idée de faire franchir une colline à un bateau lui est venue en Bretagne, alors qu’il faisait des repérages. À la lecture d’un guide touristique, il s’interrogea sur le transport des menhirs et l’édification des alignements, cette question donnera naissance au film. La réalisation d’une folie et l’omniprésence de la musique, dans une nature hostile, font de Fitzcarraldo une œuvre atypique.

Mick Jagger, le chanteur des Rolling Stones, avait été retenu pour interpréter le rôle de l’adjoint de Fitzcarraldo. Le tournage du film ayant été interrompu pendant six semaines du fait de la maladie de Jason Robards, Jagger ne put tenir son engagement pour cause de tournée mondiale. Herzog, ne pouvant se décider à le remplacer, supprima le personnage du scénario. Des scènes tournées par Jason Robards et Mick Jagger figurent en bonus de certaines éditions DVD ; on peut également en voir de brefs extraits dans le documentaire Ennemis intimes.

Fitzcarraldo est l’un des films les plus lumineux d’Herzog, une ode au pouvoir salvateur des rêves. Dans ce film, même les figures du pouvoir sont prises dans les raies du rêve de Fitzgerald : les barons du caoutchouc n’ont-ils pas fait construire l’opéra de Manaus, bâtiment illustre accueillant les plus grands opéras au cœur du Pérou ? Bien entendu, ces nababs entendaient ainsi appuyer leur réussite sociale, mais Manaus n’en demeure pas moins une idée aussi belle que folle. On découvre dans le film que le rêve de Fitzcarraldo fait partie d’un rêve plus vaste, celui d’une tribu indienne qui veut offrir en sacrifice un grand bateau blanc pour apaiser la colère du Pongo. Chez Herzog, les rêves sont partagés (Cœur de Verre, Nosferatu…) et c’est ici l’imbrication de ces deux rêves qui fait naître le récit. Et il y a le film lui-même, né d’un rêve d’Herzog et dont le tournage va ressembler pour tous ceux qui y sont plongés à un songe éveillé.

Fitzcarraldo est peut-être le film qui résume la vie et l’œuvre d’Herzog, qui fait le point sur ses actes, sur ses folies, qui ébauche même le début d’une autocritique.  « Fitzcarraldo, film magnifique et, à certains égards, poignant, écrit Emmanuel Carrère, est l’œuvre d’un homme qui a fait Aguirre, sur qui pèse le poids d’Aguirre. Ce n’est pas un film flamboyant mais, paradoxalement, une sorte de confidence. Un bilan provisoire de la maison Herzog, un portrait de l’artiste en aventurier et une réflexion plutôt amère sur ce que peut être son aventure. » (Werner Herzog, Edilio, Collection Cinégraphiques, 1982)
Projet hustonien où l’enjeu se situe dans le projet et non dans ses résultats, Fitzcarraldo relève d’une démarche dont le paroxysme est l’aveu même de ses limites. (Institut Louis Lumière)

« La violente forêt vierge est encore demeurée silencieuse toute la nuit, dans sa misère à la fois infinie et bornée, dont elle n’a aucune idée, n’ayant ni souffle ni conscience. Ce qui ressort cependant de sa nature profonde, ce n’est pas la négation de sa force d’étranglement, mais plutôt la volonté impérieuse de ne pas user de cette puissance. » (Werner Herzog, Conquête de l’inutile)

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